Oulah, il ne faut pas être effrayé par le second régime les enfants

. Plein d'avions y vont tous les jours sans se planter pour autant hein....
Le second régime, qu'est ce que c'est ? Reprennons la base en essayant de faire simple.
La traînée T d'un avion (subsonique) est décomposable en deux parties. La trainée dite de frottement Tf, due au contact de la peau de l'avion sur l'air, et la trainée induite Ti, dûe à la création de portance sur l'aile et des tourbillons qui en résultent (voir
ce post la, merci Matt, pour l'explication).
T=Tf+Ti (1)
On peut démontrer (je le fais en bas du post pour les curieux) que Tf est proportionnelle au carré de la vitesse, tandis que Ti est proportionnelle à l'inverse du carré de la vitesse, soit
T=A x V² + B / V² (2)
Si V augmente, le premier terme augmente très vite, tandis que le second terme devient de plus en plus proche de zero.
Pour que ce soit plus concret, voila un graphe qui décompose la trainée fonction de la vitesse :
On voit que la traînée totale (courbe verte, somme de la rose est de la bleue) est très forte à basse vitesse (angle d'attaque important), puis diminue jusqu'à un minimum (atteint pour la vitesse de traînée minimum Vmt), et augmente de nouveau (vitesse importante).
Qu'en est il de la poussée ? Et bien cela dépend du moteur. Certes la poussée varie avec la "taille" du moteur et le réglage de la manette, mais ce n'est pas ce qui nous interesse. Ce qui nous interesse, c'est le comportement à un réglage de manette donné, avec la vitesse. Certains s'essouflent tres vite avec la vitesse (ceux à hélice typiquement), d'autres un peu moins (réacteurs double flux), d'autre sont plus constants (réacteurs simple flux), et enfin d'autre sont boostés par la vitesse (statoreacteurs). En image :
Superposons maintenant ces deux graphes, en prenant l'exemple (le plus simple) d'un jet à réacteur simple flux.
Comment lire ce graphe ? C'est bien simple, pour une vitesse donnée, on voit la trainée T et la poussée max F que le moteur peut délivrer. La différence des deux, F-T, représente alors la capacité de l'avion à accélerer (ou à monter, c'est pareil).
Quand F=T, les forces s'équilibrent, il n'y a pas d'accélération possible. C'est le cas aux deux vitesses caractéristiques Vmin et à Vmax. On voit par ailleurs que cette différence F-T passe par un maximum, qui correspond à la vitesse Vfm (qui dans ce cas précis est égale à Vmt).
Si on réduit, la manette des gaz, la courbe de poussée (bleue) va descendre, et les points d'intersections vont bouger vers l'intérieur. Ainsi Vmin augmente et Vmax diminue. A l'extreme, on obtient le reglage de manette minimal pour maintenir un vol en palier Vmin=Vmax=Vmt.
Tout cela est bien joli mais on parlait de premier et second régime non ? J'y viens, j'y viens. En fait tout le travail est fait. Le premier régime est le domaine de vitesse compris entre Vfm et Vmax (partie droite), tandis que le second régime est le domaine compris entre Vmin et Vfm (partie gauche). Illustration :
Bien, quelle est la grosse différence me direz vous ? La aussi c'est très simple. Placez vous au 2nd régime, en palier, à vitesse constante (poussée=trainée). Imaginez alors qu'une perturbation quelconque vienne réduire votre vitesse. Si vous ne touchez pas à la manette des gaz, alors la poussée sera la même. La trainée, elle, aura augmenté (vous etes au second régime) et sera donc supérieure à la poussée. En conséquence de quoi (F-T diminue) vous allez ralentir encore plus. Ainsi de suite jusqu'à ce que, pour maintenir le palier, vous allez augmenter votre incidence jusqu'au décrochage. C'est un état instable, une petite perturbation fait diverger le système si on n'applique pas de correction.
Reprennons le meme exemple, mais au 1er régime. Une perturbation vous ralenti, gaz constants, mais comme vous êtes au premier régime, la traînée va diminuer, et être inférieure à la poussée. F-T augmente, l'avion va donc réaccelérer jusqu'a sa vitesse initiale (avant perturbation). C'est un état stable, pas besoin de correction du pilote.
Voilà pour les régimes en palier. Considérons maintenant le cas d'une montée. Le bilan des forces est le suivant :
Finalement ce qui change, c'est l'orientation du fuselage par rapport au poids (qui lui reste bien vertical) et donc des trois autres forces.
On peut décomposer le poids P en la somme d'un poids apparent Pa et d'un poids traineur Pt. Un peu de trigo donne :
Pt=P x sin(theta) (3)
Pa=P x cos(theta) (4)
Le poids traineur va alors s'ajouter à la traînée aérodynamique de l'avion comme force "freinant" l'avion.
On peut alors voir que l'équation (2) devient
T=A x V² + (B/V² x cos²(theta)) + (P x sin(theta)) (5)
(voir fin du post pour justification)
On voit alors que par rapport à l'équation (2), le premier terme est inchangé, le second a diminué (cos²(theta)<1) mais très peu, et surtout on voit apparaitre un troisième terme non négligeable. Globalement, la trainée apparente aura augmenté. Le moteur, lui n'a pas changé, et donc la poussée reste la même. Concrêtement, cela se traduit sur notre graphe par une translation vers le haut de la courbe de trainée, celle de poussée ne bougeant pas. Illustration (les changements sont illustrés par les flèches rouges) :
La vitesse de trainée minimum Vtm n'a pas changé, par contre les vitesse Vmin et Vmax se sont rapprochées du centre. On voit donc qu'en montée, le passage de premier à second régime se fait toujours au même endroit, il n'y a que la taille des domaines qui change.
CQFD
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Décomposition de la traînée d'un avion en palier
De la même manière que la portance est proportionnelle au carré de la vitesse, la traînée de frottement l'est aussi.
Tf=A x V² (A.1)
(pour les puristes, A=1/2 x rho x S x Cxf, et donc constante en palier)
La trainée induite, elle, est proportionnelle au carré du coefficient de portance Cz
Ti=K x 1/2 x rho x S x V² x Cz² (A.2)
(K est constante aussi)
Or pour un avion en palier, on a égalité entre poids P et portance Z :
P = Z = 1/2 x rho x S x Cz x V² (A.3)
en reprennant A.3 autrement, on a
Cz = P/ (1/2 x rho x S x V²) (A.4)
d'ou
Ti=K x P² / (1/2 x rho x S x V²) = B/V² (A.5)
et donc
T=A x V² + B / V² (A.6)
En montée, la traînée apparente devient :
T=Tf + Ti +Pt (A.7)
et la portance :
Z = Pa = P x cos(theta) (A.8)
soit
Cza = Cz_palier x cos(theta) (A.9)
La traînée induite est alors égale à
Ti=K x Cza² = K x Cz_palier² x cos²(theta)=B/V² x cos²(theta) (A.9)
et la trainée apparente égale à
T=A x V² + (B/V² x cos²(theta)) + (P x sin(theta)) (A.10)