Article OPEX 360, avec le titre : LPM : Le ministère des Armées veut avoir « plusieurs milliers » de munitions rôdeuses d’ici 2030
Lancés par la Direction générale de l’armement [DGA] en juin 2022, les projets LARINAE et COLIBRI visent à développer des munitions « rôdeuses » [encore appelées « vagabondes », « maraudeuses » ou encore « téléopérées], dont l’efficacité a été démontrée lors des combats au Haut-Karabakh [2020] et de la guerre en Ukraine. Or, dans ce domaine, et par rapport aux États-Unis, à la Russie, à Israël et à la Pologne, la France a pris du retard.
Les projets « LARINAE et COLIBRI, visent à neutraliser une menace à 5 kilomètres et à 50 kilomètres respectivement. Nous avons indiqué vouloir des solutions peu onéreuses, évidemment efficaces, prévoyant une autonomie fonction de la zone considérée et livrées très vite ; nous voulons aussi que les militaires soient capables de se former très rapidement », a récemment résumé Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA], à l’occasion d’une audition parlementaire.
Depuis, et d’après la LettreA, EOS Technologies et Delair, associés respectivement à Nexter et à MBDA, ont été retenus pour le projet LARINAE. Quant au COLIBRI, il sera développé par le tandem formé par Nexter et Delair. Les propositions soumises par Thales, Airbus et Safran ont ainsi été écartées.
Cela étant, les industriels impliqués dans ces deux projets pourraient toucher le gros lot, à en juger par les déclarations faites par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 24 janvier.
En effet, au regard des enseignements tirés de la guerre en Ukraine, les « munitions rôdeuses » constituent une capacité « clé », a dit le ministre. Au point que « notre horizon 2030 dans la LPM [Loi de programmation militaire], c’est d’en avoir plusieurs milliers », a-t-il annoncé. Et « plutôt que de faire des stocks [de munitions] de manière indifférenciée, on va aussi s’intéresser à la nature même des systèmes d’armes pour regarder ce dont on peut avoir besoin en fonction de la nature de l’engagement et de la réactivité que l’on doit avoir », a expliqué M. Lecornu.
Plus généralement, et s’agissant des stocks de munitions, qui ont beaucoup fait parler ces derniers mois [et pas toujours à bon escient…], M. Lecornu a soutenu qu’il fallait trouver un juste milieu.
« Si on écoute certains commentateurs – peut-être qu’ils travaillent chez MBDA par ailleurs – il faudrait pratiquement faire des réassorts de stocks dignes de la Guerre Froide […] Non, parce que c’est l’argent du contribuable. Car si c’est pour, chaque année, détruire des missiles parce que la date de péremption est passée, [ils seront] les premiers à dire au ministre : ‘comment vous avez géré votre affaire », a fait valoir M. Lecornu.
Aussi, a-t-il continué, il « faut que l’on arrive à trouver une cible sur les stocks de munitions qui corresponde à un niveau d’entraînement de très bonne qualité et à un délai de réactivité en cas d’engagement [ce qui dépendra des contrats opérationnels donnés aux Armées dans l’annexe du la LPM, ndlr]. Ensuite, s’il s’agit de tenir dans la durée, il reviendra aux industriels de faire le nécessaire pour augmenter leurs capacités de production. « C’est là qu’il faudra solliciter l’économie de guerre », a insisté le ministre.
Par ailleurs, si des solutions françaises devraient donc été retenues pour les munitions rôdeuses, des achats « sur étagère » ne sont pas exclure durant la période d’exécution de la prochaine LPM. « Le principe est qu’on achète français » mais ‘il y a toujours eu des exceptions depuis le début de la Ve République », a rappelé le ministre. Et de citer le drone MQ-9 Reaper et le Lance-roquettes unitaire [LRU] « qui n’est pas de marque française ». Et d’ajouter : « D’ailleurs, [son] remplaçant est plutôt le HIMARS [américain] ».
Or, en novembre, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, avait souligné la nécessité de renforcer la capacité « feux à longue portée », à l’occasion du remplacement des LRU, prévue d’ici 2027.
« La guerre en Ukraine nous enseigne que les feux très longue portée sont décisifs : il nous faut réfléchir sur la solution à retenir », avait expliqué le général Schill, soulignant aussi l’importance de disposer de drones armés, de munitions téléopérées et de capacités » consolidées » d’infiltration et de frappe longue portée des hélicoptères de l’Aviation légère de l’armée de Terre [ALAT].
Hormis la commande éventuelle de systèmes M142 HIMARS auprès des États-Unis, les « achats sur étagère » devraient être limités. « Je n’en identifie pas beaucoup dans la période qui vient », a assuré M. Lecornu.