Article OPEX 360, avec le titre : L’évolution du Rafale vers le standard F5 d’ici 2035 sera indispensable pour la dissuasion nucléaire
En janvier 2019, le standard F-4 du Rafale fut officiellement lancé, via l’attribution d’un contrat de développement à Dassault Aviation, pour un montant de deux milliards d’euros. Depuis, une première campagne de « revue d’aptitude à l’utilisation » [RAU], visant à éprouver les nouvelles fonctionnalités de combat collaboratif dont sera dotée cette nouvelle version, a été menée à Istres, sous la responsabilité du centre d’expertise DGA Essais en vol.
La validation de ce standard F4 est prévue pour 2024. Pour rappel, le Rafale disposera dès lors d’un cyberprotection renforcée, d’un radar à antenne active [AESA] RBE2 doté de nouvelles fonctionnalités et d’une connectivité accrue. En outre, son Système de Protection et d’Évitement des Conduites de Tir du RAfale [SPECTRA] et son OSF [optronique secteur frontal] bénéficieront des dernières évolutions technologiques. Enfin, il intégrera un viseur de casque SCORPION.
À plus long terme, le « New Generation Fighter » [NGF], c’est à dire l’avion de combat sur lequel reposera le Système de combat aérien du futur [SCAF], projet mené dans le cadre d’une coopération entre la France, l’Allemagne et l’Espagne, remplacera le Rafale. Et, selon la fiche d’expression des besoins [CORD – Common Operational Requirements Document], confirmée le 30 août dernier, cet appareil devra être en mesure d’emporter l’arme nucléaire, en l’occurrence le missile air-sol nucléaire de quatrième génération [ASN4G], en cours de développement. En outre, une version navale devra également être mise au point pour la Marine nationale [et la FANu – Force aéronavale nucléaire]
Initialement, il était prévu que le NGF entrât en service à l’horizon 2035/2040. Or, si la commission du budget du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand] a voté le minimum de crédits nécessaires pour la poursuite de ce programme, ouvrant ainsi la voie à la signature d’un accord intergouvernemental tripartie [IA3] en août dernier, les contrats n’ont toujours pas été notifiés aux industriels concernés [dont Dassault Aviation et Airbus], alors que, selon le Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre, ils auraient dû l’être en octobre. Pour rappel, des désaccords sur la charge industrielle et la propriété intellectuelle ont alimenté la chronique au cours de ces derniers mois…
Déjà, le premier vol d’un démonstrateur du NGF, jusqu’alors attendu pour 2026, a déjà été repoussé d’un an… Et il n’est pas exclu que ce programme connaisse d’autres retards, que ce soit pour des raisons politiques et industrielles. Cela « ne constituerait en rien une surprise stratégique au regard de sa complexité », souligné d’ailleurs le député Christophe Lejeune, dans son dernier rapport pour avis sur les crédits alloués à la dissuasion dans le projet de loi de finances 2022.
Et même si le programme SCAF est épargné par de tels aléas, il est peu probable que le NGF soit en mesure d’assurer les missions nucléaires avant 2050. C’est, en tout cas, ce qu’avance le parlementaire, rappelant que le « plusieurs années se sont écoulées entre l’entrée en service du Rafale et sa première tenue de l’alerte nucléaire » au sein des Forces aériennes stratégiques [FAS].
« En somme, le NGF n’assurera sans doute pas la mission nucléaire avant 2050, et quoiqu’il en soit concomitamment avec le Rafale dans un premier temps à l’instar du couple constitué par le Rafale et le Mirage 2000N jusqu’au retrait de service de ce dernier, il y a trois ans », écrit en effet M. Lejeune.
Aussi, au regard des évolutions technologiques, notamment en matière de d’interdiction et de déni d’accès [A2/AD], le développement d’un standard F5 du Rafale sera primordial. En tout cas, le rapporteur pour avis en fait l’un de ses points d’attention pour l’avenir de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire.
Dans son rapport, il souligne en effet « l’importance de ne pas occulter le besoin d’un avion aux performances rehaussées à l’horizon 2035, date prévue de l’entrée en service opérationnel de l’ASN 4G » car comme le lui a indiqué le général Laurent Rataud, sous-chef d’état-major plans-programmes [SCPP] de l’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE], le « Rafale devra alors faire face à des systèmes de défense sol-air des plus performants, à l’instar des systèmes S-500 russes et équivalents, et évoluer dans des environnements extrêmement brouillés, ce qui supposera de le doter de moyens de guerre électronique et de guerre de navigation, ainsi qu’éventuellement de moyens de suppressions des défenses aériennes adverses performants ».
Et M. Lejeune d’ajouter : « C’est pourquoi il importe de veiller à disposer des moyens de développer un standard F5 robuste et performant, et ce d’autant que le NGF du SCAF n’emportera sans doute pas l’arme nucléaire dès 2040 ».
Cela étant, le standard F5 du Rafale fait déjà l’objet d’une réflexion au sein des états-majors Il « nous permettra d’améliorer encore la capacité d’entrée en premier du Rafale, avec de nouveaux capteurs et armements, mais également des capacités à communiquer, à collaborer et à être interopérable », avait d’ailleurs affirmé, à ce sujet, le général Frédéric Parisot, le major général de l’AAE, dans un récent hors-série du magazine DSI. « Les contours de ce standard ne sont pas encore arrêtés » mais « dans quinze ans, le Rafale sera doté d’un nombre impressionnant de capacités, dont certaines que nous n’imaginons pas encore », avait-il ajouté, sans plus de détails.