Article Meta Défense, avec le titre : Le Congrès Américain impose des sanctions contre la Turquie pour 2021
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L’un des aspects les plus sensibles sur la scène internationale, notamment pour l’Europe, de ce bras de fer politique américain (Président-Congrés), est incontestablement l’obligation faite au président américain, quel qu’il soit, de mettre en oeuvre les sanctions prévues par la législation CAATSA contre la Turquie suite à l’achat de batteries anti-aériennes S-400 auprés de la Russie, et ce dans les 30 jours suivant l’adoption du budget de la Défense.
En outre, il donne l’autorisation aux forces armées américaines de disposer des 6 F35A déjà assemblés qui étaient initialement prévus pour la Turquie, ce qui pourrait représenter l’opportunité recherchée par Athènes pour simultanément acquérir une flotte minimum d’appareils F35 prête à l’emploi, et en profiter pour faire un pied de nez à son belliqueux voisin.
Concrètement, la mise en oeuvre de ces sanctions pourraient priver Ankara du soutien de l’industrie de Défense américaine, ce qui pourrait naturellement mettre à mal plusieurs composantes des forces armées turques, en particulier sa force aérienne équipée principalement de F-16C/D.
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Cela pourrait également remettre en cause, par transitivité, les partenariats qui subsistent, comme ceux avec la Grande-Bretagne au sujet du programme TFX, avec l’Italie dans le domaine des hélicoptères
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Il y a quelques jours, le président Erdogan estimait que la Turquie ne ferait l’objet d’aucune sanction de la part des Etats-Unis au sujet de l’acquisition de systèmes S-400, arguant que la Turquie n’était pas une province américaine. En outre, les autorités turques soutiennent que le système S-400 n’étant pas interconnecté avec le réseau de défense aérienne de l’OTAN, il ne représente aucun risque pour cette dernière, pas davantage que les batteries S300 encore en service en Grèce ou en Bulgarie. Mais la législation CAATSA n’a que faire de ces critères opérationnels. Cette dernière vise à priver Moscou, Téhéran ou Pékin de certains marchés de défense internationaux, en menaçant les clients potentiels de sanctions. L’objectif est donc purement politique, et nullement technologique ou opérationnel. En outre, cette législation ayant été promulguée en juillet 2017, elle ne concerne que les acquisitions postérieures à cette date, ce qui n’est pas le cas des systèmes de factures soviétiques hérités par certains pays de l’OTAN.
En revanche, l’application de cette législation vis-à-vis d’Ankara va probablement créer des remous chez d’autres partenaires et alliés des Etats-Unis, eux aussi ayant récemment commandé des systèmes d’armes majeurs auprès de Moscou. C’est notamment le cas de l’Inde, qui a commandé 6 régiments de S-400 devant être livrés à partir de l’hivers 2021. New Delhi a par ailleurs également commandé (...) des avions de combat Mig 29 et Su-30 auprés de Moscou ces 3 dernières années, tous ces équipements pouvant potentiellement être visés par les Etats-Unis. Or, parallèlement, Washington a également vendu des avions de patrouille maritime P8 Poseidon et des hélicoptères de combat AH64 Apache à l’Inde, et entend bien tenter de rafler un des contrats pour les forces aériennes ou aéronavales indiennes.
Comme pour l’Inde, l’Egypte pourrait elle-aussi être potentiellement visée par les sanctions américaines. Le Caire a en effet commandé, de façon très discrète il est vrai, un nombre indéterminé mais estimé à 30 avions de combat Su-35s auprés de Moscou en 2019 malgré les menaces de Washington.
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Jusqu’à présent, le président Trump, à l’origine de la législation CAATSA, s’en était principalement servi comme épouvantail pour tenter d’éloigner certains prospects de l’industrie de Défense russe. C’est ainsi que l’Indonésie, sans avoir officiellement annoncé la rupture de sa commande de 11 Su-35s pour remplacer ses Su-30 et Su-27 en service, a discrètement remisé le programme, tout en cherchant d’autres alternatives, moins sujets à la réprobation américaine.
En revanche, concernant les pays majeurs ayant une position équilibrée entre Washington et Moscou, comme c’est le cas de l’Inde, la législation ne fut tout simplement pas appliquée, afin de ne pas menacer les exportations d’équipements de défense américains eux-mêmes.
Ce fut également le cas de la Turquie qui, malgré son appartenance à l’OTAN, n’a fait l’objet d’aucune sanction directe autre que son exclusion du programme F35. Il y a quelques semaines, l’industrie de Défense US signait même avec Ankara deux contrats majeurs (dont) l’un (...) concernant une coopération avec Boeing sur les matériaux innovants. Ce laxisme vis-à-vis d’Ankara a d’ailleurs été plusieurs fois dénoncé par le Congrès américain qui exigeait depuis plusieurs mois que les sanctions soient effectivement et fermement appliquées à la Turquie, qui par ailleurs avait pris, à plusieurs reprises, des positions dangereuses face à ses alliés de l’OTAN, et même lancé des menaces visant l’alliance elle-même.
Mais le vent semble tourner à Washington dans ce dossier. Le Pentagone avait déjà estimé publiquement que la Turquie n’agissait plus comme un membre de l’Alliance Atlantique depuis quelques temps, sans pour autant pouvoir en dire plus, l’OTAN n’ayant pas, dans sa charte, la possibilité de débarquer un membre contre son gré.
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Dans ce contexte, la motion sénatoriale pour l’application automatique des sanctions à la Turquie a toute les chances d’être votée et appliquée.
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Dans tous les cas, Ankara est désormais au centre du viseur du Congrès américain, et rien, si ce n’est un changement radical de posture de la part du président Erdogan, ne semble en mesure de le faire dévier. Il y a tout juste un an, lors du sommet de Londres de l’OTAN, le Président français Emmanuel Macron s’était confronté à la presque majorité des chefs d’état présents, y compris Donald Trump, après avoir critiqué l’absence de réaction de l’Alliance face aux dérives d’Ankara. De toute évidence, les faits lui ont donné raison, même s’il aura fallu une année pour s’en rendre compte.
Tiens, j'ai soudain la sensation que, s'il se fait un jour, le TF-X pourrait avoir des moteurs russes...
A suivre...