OPIT a écrit : ↑mar. mars 12, 2019 11:06 am
La décision de la FAA me semble plutôt pragmatique. En supposant que le système MCAS ait contribué à l'accident, son existence n'est pas une anomalie et son implémentation a passé les filtres de la certification. Si ce n'est pas un gage de perfection, c'est au moins le signe que ce système est en conformité avec les standards de sécurité actuels.
Aujourd'hui il est probablement fait le constat que la réalité des faits ne colle pas avec ce qui était attendu de ce système de sécurité. La communication de Boeing après l'accident de Lion Air n'a semble-t-il pas suffit, ce qui conduit à penser qu'une clarification des procédures n'est pas une réponse appropriée. A partir de là une modification du système devient la seule alternative pertinente, et en l'occurrence le délai imparti est plutôt serré. En gros, la FAA renvoie Boeing à ses études pour revoir prestement sa copie.
Pour autant, il est bien de la responsabilité de l'équipage de gérer l'ensemble des systèmes, y compris en cas de panne(s). Si cette tâche n'a rien d'exceptionnel et/ou n'est pas sujette à de multiples interprétations, clouer toute la flotte au sol est peut-être un peu excessif. C'est une décision (potentiellement) lourde de conséquence qui ne saurait être automatisée sur la foi d'une généralisation de cas particuliers, quel que soit le degré de parallélisme.
Je te suis sur ce raisonnement, et notamment sur le caractère excessif de clouer la flotte au sol à ce niveau d'analyse où on n'est encore, qu'on le veuille ou non, au niveau de la coïncidence entre les deux crashs.
Cependant, ce qui me chiffonne, c'est la prémisse que tu utilises toi-même et qui est me semble-t-il également à la base du raisonnement de la FAA : puisque le système est certifié, c'est qu'il est conforme avec les standards de sécurité actuels. Le problème, c'est que le système de l'annexe XIII de la convention de Chicago est basé sur une prémisse fondamentalement différente, qui est que si l'avion est tombé, c'est qu'il n'était pas assez sûr, malgré la certification.
C'est plus qu'une nuance, on en voit clairement la portée dans la mise en oeuvre des enquêtes accident : si la certification définissait le standard, l'enquête pourrait s'arrêter après avoir vérifié que les conditions de certification étaient bien respectées. Dans la réalité, le but explicite de l'enquête est justement de voir en quoi il faudra améliorer les conditions de la certification pour éviter que l'accident se reproduise.
Ce n'est pas rien : c'est ce fondement qui a permis à l'aviation civile de faire baisser son taux d'accident à un niveau jamais atteint par aucun système si complexe, dans quelque domaine que ce soit. C'est une inspiration pour tous les secteurs du management l'activité humaine. Alors, en effet, le raisonnement de la FAA est pragmatique, mais c'est pour moi en cela qu'il porte en germe une rupture qui ne me rassure pas.
Par ailleurs, il reste le volet technique : rien ne prouve que l'équipage était à même de rattraper l'avion en cas de défaillance, ça, c'est justement l'enquête qui pourra le dire. On sait particulièrement que la défaillance du MCAS intervient dans un contexte où les qualités de vol de l'appareil sont fondamentalement changées du fait du changement de l'implantation des moteurs, et c'est un aspect dont on ne parle pas.