garance a écrit :
Je crois qu'il faut distinguer deux choses:
La perception de la situation par Churchill notamment en 1940 et la place de la France Libre dans la guerre après 1940 ... Pour Churchill la survie de l'Angleterre est engagée et l'attaque de Mers-el-Kébir si elle est humainement regrettable est en revanche assumée quant à ses conséquences à savoir que "l'actif" l'expression d'une volonté, le message transmis a bien plus de valeur que le "passif": l'ancrage de Vichy aux côtés de l'Allemagne, la réaction de l'opinion publique française et d'une Marine ancienne alliée certes mais aujourd'hui fidèle à un régime inféodé à l'ennemi absolu. Il faut bien admettre que la suite lui donnera raison ...
(...) Mers-el-Kébir a certainement contribué a doucher certaines ardeurs et a cristalliser la position de Vichy (tout du moins à la justifier) mais au final çà joue à la marge et à contrario l'attaque britannique n'a pas découragé les "purs et durs" d'avant 1943 (je repense aux écrits de Mouchotte dans ses carnets) qui plus que l'agression britannique voyaient surtout les Feldgrau défiler au pas de l'oie sur les Champs.
On peut prendre le truc par n'importe quel bout, mon constat reste toujours le même : les navires vichystes n'ont jamais combattu aux côtés de l'Allemagne, à aucun moment. Sur ce point il ne peut donc avoir eu raison. Qu'il ait fait des choix en fonction de ce qu'il pensait être le mieux pour les Britanniques, c'est un pléonasme. Qui pourrait en douter ? Mais l'histoire est remplie d'actes pensés comme étant nécessaires et qui se sont avérés inutiles.
Quant à ton évaluation sur la proportion de ceux (individus, groupes, territoires) qui auraient pu passer plus tôt du côté allié, ni toi, ni moi ne pouvons l'évaluer avec précision. Toutefois, je ne vais pas aller chercher dans ma doc et mes bouquins tout ce que j'ai lu là-dessus, mais tous ceux qui parlent des évènements montrent le choc causé par Mers-el-Kébir sur les esprits. C'est ton droit de les considérer à la marge. Mais je ne peux t'accompagner sur ce terrain.
Edit : je suis quand même allé feuilleter vite fait 3 livres : Chasseurs au groupe Lafayette (Jean Gisclon), Chasseurs en vue on attaque (A.A. Legrand) et Le temps des cocardes (Pierre Salva) et MeK fut bien un énorme choc. Je ne peux que te recommander le dernier chapitre du livre de Salva sur l'état d'esprit au sein des groupes de chasse avant (quand est même envisagé le passage de ces groupes à Gibraltar) et après MeK (quelques départs isolés)...
kekelekou a écrit :Deltafan, je suis gêné par la logique de ton raisonnement (ce que je qualifierais de rétro-histoire) : tu pars d’évènements postérieurs à MeK pour conclure à la pertinence de l’action britannique. Or quand Churchill prend la décision, il ne peut pas deviner quel sera le comportement de la Royale dans les années qui suivent. Des nazis français auraient très bien pu renverser Pétain et s’allier au Reich dans une guerre totale (commes les flèches noires en Hongrie).
Et d’ailleurs, qui sait si le non-ralliement de la flotte française n’est justement pas une conséquence de MeK qui aurait servi de coup de semonce : ne voulant pas être annihilée, elle aurait préféré rester bien sage. Pareil pour la résistance molle à Torch.
Bien évidemment, comme dit précédemment, quand Churchill prend sa décision, il pense qu'elle est la meilleure, sinon il ne l'aurait pas prise. Pour le reste, je ne peux que faire le même constat que j'ai fait aux précédents interlocuteurs. L'histoire s'est passée comme elle s'est passée. Personne n'y peut rien : les navires vichystes n'ont jamais combattu aux côté des Allemands. Lorsqu'ils ont combattu les Britanniques et leurs alliés, c'est à chaque fois lorsqu'ils ont été attaqués par eux. Et, je le répète encore, Roosevelt non plus ne savait pas ce qui allait se passer ensuite, ça ne l'a pas empêché de refuser à Churchill un Mers-el-Kébir 2 dans la zone Guyane-Caraïbes, et pourtant il n'écrivait pas en 2018, lui.
Ensuite quant à l'attitude "sage" après Mers-el-Kébir, dès Dakar, donc immédiatement après MeK, elle a tellement été "sage" que la flotte d'attaque, principalement britannique sur le plan des navires, a cédé la première (principalement en raison des dommages infligés à un cuirassé british par un sous-marin vichyste, mais les pertes en avions-torpilleurs ont également été nombreuses), et aucune n'est jamais revenue...
Pour Torch, je peux te ressortir un numéro de Navires et Histoires sur les pertes des "mous" de la marine française. Par exemple, de mémoire, deux navires qui avaient repoussé des navires alliés et qui, sortant de leur port, se sont faits détruire immédiatement, ou ceux qui ont tenté de masquer la côte avec de la fumée et se sont faits détruire les uns après les autres. Même coulé sur le fond de son mouillage, mais sa partie supérieure toujours au-dessus de l'eau, le Jean-Bart a continué à tirer avec ses 380...
On pourrait aborder un tas d'autres aspects (les différences de situation entre l'Algérie et le Maroc, par exemple), mais de mes lectures j'ai cru comprendre qu'en bloquant Juin, des résistants l'ont aussi empêché de pouvoir transmettre l'arrêt des combats aux troupes françaises, ce qui a contribué à la durée des combats et aux destructions et morts inutiles des deux côtés. Ce qui rejoint mon opinion plus haut sur certaines actions qui sont considérées, en toute bonne foi, comme nécessaires et légitimes et qui s'avèrent contre-productives, même si je parle en 2018 d'évènements de 1942...
Pour revenir à Torch, j'ai toujours du mal avec le passage sur les parachutistes américains, en DC-3 ou C-47, abattus par D-520. Ils sont pour moi le symbole des morts inutiles (ce qui ne veut pas dire que les autres ont moins de valeur) de cet affrontement.
Sinon, je n'ai nullement la prétention de vous convaincre, mais vos arguments, même si je les comprends parfaitement, ne sont pas de nature à me faire changer d'idée non plus. J'ai répété suffisamment de fois mon avis pour penser que tout le monde a compris ma vision des choses. Je crois inutile d'y revenir (sauf pour certains détails de la revue Navires et Histoires, que j'ai cités à l'occasion et que je pourrai retrouver si nécessaire).