L’aile delta est un peu particulière.
Elle ne possède pas de volets hypersustentateurs. La portance est générée par une incidence élevée (prise d’assiette importante par le pilote) créatrice d’un vortex bienfaiteur.
(Sur Mirage 2000, la combinaison voilure Delta et CDVE requiert encore moins l'utilisation de dispositifs hypersustentateurs - mais on sort du cadre de ce thread)
A vue de nez dans ta représentation graphique, le braquage des élevons vers le bas va générer un couple piqueur (nez vers le bas), ce qui n’est pas le but recherche.
Sur un avion classique, ce couple piqueur est contré par une action sur la gouverne de profondeur de l’empennage arrière.
Cependant le Mirage 2000 est équipé de commandes de vol électriques CDVE avec toute la philosophie de pilotage qui va avec et qui va tout chambouler…
C’est un peu compliqué à expliquer en quelques lignes, mais il faut retenir que le pilote ne pilote plus l’avion mais ne fait que lui donner des ordres.
C’est le calculateur des CDVE qui élabore une position de gouvernes afin d’assurer la réponse à une commande d’incidence, de facteur de charge et de vitesse de roulis définie par un déplacement du manche.
A effort constant sur le manche (effort est associé à déplacement), l’avion est stabilisé en incidence, facteur de charge et vitesse de roulis.
En un mot, le calculateur CDVE assure la pilotabilité de l’avion, et parallèlement sa position à demeure à l’intérieur du domaine de vol.
En effet, la position de la gouverne de profondeur (pour parler du tangage) est pilotée par la différence entre l’ordre pilote et le facteur de charge obtenu.
L’accéléromètre longitudinal en z et le gyromètre de tangage assurent la stabilité longitudinale lors des évolutions commandées par le pilote i.e le pilotage en facteur de charge.
Le déplacement du manche en profondeur est équilibré dans le calculateur par un facteur de charge.
Le pilote déplace le manche, l’élevon va bouger notablement en début de manoeuvre (c’est ce que l’on appelle l’erreur d’asservissement maximal – c’est la boucle d’asservissement qui assure la pilotabilité et non plus le pilote), puis revenir à une position d’équilibre d’autant plus proche de zéro que l’avion est au voisinage de la stabilité de marge statique nulle au fur et à mesure de l’établissement du facteur de charge (diminution progressive de l’erreur d’asservissement).
Dans ton cas de l’avion en approche, il y a une différence notable dans la philosophie des CDVE.
Dans le cas précédent la loi de pilotage normal fait correspondre un facteur de charge à un effort au manche.
En approche, un tel concept serait contraire au mode de pilotage classique car dans le cas d’un avion classique configuré stable (foyer en arrière du centre de gravité) lorsque la vitesse diminue, l’incidence doit augmenter i.e le pilote doit fournir un effort à cabrer au manche.
Si l’on adopte le mode discuté précédemment (g = f(effort manche)) la condition n’est plus réalisée.
On va donc élaborer une forme de pilotage qui va se rapprocher du mode classique dans les phases d’approche et d’atterrissage.
Pour cela, on décide qu’à partir d’une certaine valeur d’incidence, l’ordre au manche est comparée non plus seulement au facteur de charge mais aussi à l’incidence.
De cette manière, l’effort au manche devient une commande d’incidence plutôt que de facteur de charge.
Ceci entraîne le fait que toute augmentation d’incidence sera commandée et maintenue par un effort permanent à cabrer au manche, redonnant ainsi à l’avion une stabilité statique apparente (classique).
Sur Mirage 2000, c’est le limiteur d’incidence qui réalise entre autres fonctions l’équilibrage progressif i = f(effort manche).
Schématiquement en approche/atterrissage :
Phase 1
Ordre pilote nul
Incidence inférieure/égale à incidence de référence
Limiteur d’incidence fonctionne en mesureur
Signal fourni nul
Gouvernes positionnées à 0
Phase 2
Ordre pilote à cabrer
Les gouvernes se braquent vers le haut
Couple cabreur Cg (par force aérodynamique sur gouverne en arrière de CdG))
Incidence augmente
Portance augmente
Couple cabreur Cc (foyer en avant de CdG)
Phase 3
Ordre pilote maintenu dans sa position
Les 2 couples cabreurs précédents (Cg + Cc) entraînent une augmentation d’incidence
Ecart entre ordre pilote et signal représentatif de l’incidence diminue entraînant le retour des gouvernes vers le neutre.
En effet, à position fixe du manche, le calculateur élabore un signal en incidence de telle sorte que les gouvernes doivent se retrouver au neutre. Il élimine tout simplement le couple créé par le braquage des gouvernes Cg.
Phase 4
Equilibre final
Le couple cabreur Cc créé par l’augmentation de portance subsiste.
L’incidence augmente
L’écart entre ordre pilote et signal représentatif de l’incidence va s’inverser et augmenter comme l’incidence (le signal d’incidence devient supérieur au signal ordre pilote)
Le braquage des gouvernes s’inverse.
Le couple piqueur -Cg dû au braquage des gouvernes équilibre le couple cabreur Cc de l’augmentation de portance.
Donc en approche stabilisée, les élevons sont braqués vers le bas mais faiblement en regard des positions relatives du foyer et du point d’application des forces sur les gouvernes - alors que le manche est maintenu tiré en arrière et que l'incidence avoisinne 13/14°.
REM : le braquage négatif des élevons est au maximum de 25°, sur le dessin ils paraissent le double, ce qui fait penser à des volets hypersustentateurs en position atterrissage.
Sur le dessin, le braquage de la gouverne de symétrie a été placée dans le sens du virage.
Il faut savoir qu’en pilotage transversal, les CDVE font en sorte que le l’avion effectue une rotation autour du vecteur vitesse et non pas autour de l’axe de roulis (déjà discuté il n’y a pas si longtemps avec TOPOLO
http://www.checksix-forums.com/viewtopi ... s#p1402643 ).
Le pilotage en roulis s’effectue uniquement au manche et non pas manche-palonnier comme sur un avion classique.
C’est le calculateur CDVE qui va commander un ordre en lacet pour une coordination optimale gauchissement/direction pour les manœuvres transversales.
En fait on cherche ici à éviter au maximum un dérapage dû à l’incidence au cours d’une manœuvre transversale (le couple incidence/dérapage a une valeur maxi au-delà de laquelle la perte de contrôle est engagée).
Le seul moyen de remédier au problème est de maintenir le vecteur vitesse dans le plan de symétrie de l’avion au cours de la manœuvre transversale.
Pour ce faire, le calculateur reçoit une information du gyromètre de roulis et en fonction de l’incidence, va commander un ordre en lacet bien défini (voir post cité plus haut).
C’est ce qui est appelé couplage dynamique.
Subsiste un couple de lacet engendré par le braquage dissymétrique des gouvernes. Ce couple peut être induit ou inverse en fonction de la valeur de l’incidence et il génère donc du dérapage qu’il faut minimiser. Là également c’est le calculateur renseigné cette fois par le gyromètre de lacet qui va commander un ordre en lacet.
C’est ce que l’on appelle couplage statique.
Sur Mirage 2000, le pilotage en transversal de l’avion autour du vecteur vitesse est réalisé à partir d’une action de pilotage en gauchissement seul, à laquelle est associée l’action des termes de couplages statique et dynamique de la chaîne de lacet.
Toute action du pilote sur le palonnier augmente le dérapage qui dégradera la réponse de l’avion.
C’est la raison pour laquelle l’autorité du palonnier est très réduite (sauf train sorti pour l’atterrissage), et encore davantage lorsque le manche est en position arrière i.e à incidence importante.
Dans notre cas de l’approche, il reste donc difficile de déterminer la position du drapeau (gouverne de symétrie) aussi bien en transitoire qu’en stabilisé.
L’utilité de ce drapeau devient nécessaire dans le cas de la fonction Anti-Dérapage afin de remédier au dérapage généré par une configuration dissymétrique de l’avion… mais ceci est une autre histoire.
C'était le quart d'heure technique de ce thread !
* * *