Histoire d'une ZC-250 à Brest-Guipavas
Publié : dim. oct. 27, 2019 1:30 pm
Bonjour à tous !
Travaillant sur l'aéroport de Brest-Bretagne après ma carrière militaire Marine et depuis tout gamin très, très, très intéressé par la seconde guerre mondiale et tout particulièrement son aviation, c'est tout naturellement que je me suis penché sur l'histoire des infrastructures de mon lieu de travail où j'ai œuvré à l'assistance piste une bonne dizaine d'années pour atterrir au Département Opérations Techniques et plus précisément aux espaces verts, bandes herbées, clôtures, portails etc... suite à des soucis de santé dus à la manutention des bagages qui constitue 80% du boulot.
Avec cette nouvelle fonction j'ai maintenant la possibilité d'aller partout sur le terrain et toucher du doigt ce que je ne pouvais faire qu'à l'aide de photos aériennes jusqu'à lors.
Un peu d'histoire pour planter le décors.
Le camp Lanrus comme on l'appelait pendant la première guerre mondiale, situé au nord du bourg de Guipavas, était un Centre d'Aérostation Marine (CAM) composé de deux immenses hangars à dirigeable longs de 200m et hauts d'une vingtaine pouvant abriter jusqu'à trois dirigeables type Chalais, des logements, baraquements divers et installations techniques comme une usine de production d'hydrogène. Lors de l'entrée en guerre des États Unis en 1917 et le débarquement de dizaine de milliers d'hommes dans le port de Brest, la Marine Américaine et quelques uns de ses dirigeables s'installe à Lanrus un peu plus au nord du CAM Français.
Une partie des installations Françaises:
Les hangars Français à droite et le camp Américain à gauche:
Après la première guerre mondiale la Marine se désintéresse de Guipavas privilégiant le site de Lanvéoc-Poulmic, les hangars Français sont abandonnés les installation Américaines sont démontées et tout le terrain de Lanrus retourne à la lande.
C'est en 1927 que le premier avion se pose sur le terrain de Guipavas, toujours terrain militaire et propriété de l'état, à partir de cette date, sous l'impulsion du vice-président de la chambre de commerce de Brest qui milite activement pour doter Brest d'un aérodrome de grandes dimensions, en 1935 le terrain s'ouvre enfin au civil car jusqu'à lors il se trouvait dans une zone interdite au survol d'aéronefs civils comme c'était la règle autour des points stratégiques dont le port militaire de Brest ne faisait, et ne fait toujours pas, exception.
C'est en 1936 que l’État, tout en conservant la propriété du terrain en cède la jouissance à la chambre de commerce qui peut démarrer les travaux, un hangar de 30 mètres de portée, le hangar Estiot qui existe toujours (mais pas au même endroit) est construit ainsi qu'un pavillon, club house, avec bar, salles de bains et chambres pour aviateurs de passage.
En 1937 l'aérodrome de Guipavas est définitivement ouvert à la circulation aérienne publique.
Puis arrive la seconde guerre mondiale, l'offensive Allemande de Mai-Juin 40 et les conséquences qu'on connaît avec le début d'une longue occupation, les troupes Allemandes arrivent dans la région de Brest aux alentours du 18 Juin repoussant devant elles ce qui reste du corps expéditionnaire Anglais qui rembarque dans la précipitation à Brest pendant qu'on sabote la plus grande partie des installations portuaires et principalement le dépôt de carburant de Maison Blanche qui va brûler pendant plusieurs jours.
L'occupant s'installe, investit l'aérodrome de Guipavas qui va devenir la Flugplatz Brest _ Guipavas aka Brest-Nord et dont voici une photo prise à bord d'un Hs-126 le 14 Juillet 1940 par le Lt Wolter du 4 (H) 22 Aufklärungsgruppe:
On y voit le seul hangar à dirigeable encore debout et les installations attenantes, une tempête ayant mis par terre le second en 1928, au sud l'usine de production d'hydrogène, et à droite dans la zone délimitée le hangar Estiot et le club house.
En Juillet-Août 1940 le Stab/Kg40 prend ses quartiers et part régulièrement bombarder l'Angleterre.
Sur cette dernière photo on y voit des Festung Pionniers qui démarrent la construction des infrastructures qui seront livrées à la Luftwaffe et qui sont constituées d'une piste en béton de 600m de long par 30m de large (début mars 41, fin printemps 42) de divers taxiways, hangars et abris pour avions de tailles diverses, blockhaus de défense, soutes munitions, Poste de Commandement, infirmerie, baraquements etc... la surface du terrain est étendue à 200 hectares et pour ce faire les hameaux de Penfrat, Lanrus, Kereller et Baralan sont détruits, on ne donne parfois que 48h aux occupants pour faire leurs valises comme ça fût le cas à Lanrus... le terrain est nivelé encore une fois et surtout drainé.
Ici un reste d'installation de drainage, une fouille bétonnée de forme carrée et pourvue des mêmes échelons que l'on trouve dans toutes les issues de secours de bunkers allemands ne laisse guère de doute sur son origine:
J'ai trouvé assez peu de photos de l'époque hormis celles de bouquins et des archives de Brest, au passage je suis preneur de clichés si vous en avez en voici néanmoins quelques unes:
1942 ou 43, les Fw 190A-3 et A-4 du 8./Jg2 en plein ravitaillement devant le hangar Estiot et le club house derrière tous deux camouflés.
Le A-4 du Staffel Kapitän du 8./Jg2 Bruno Stolle photographié du haut du club house, la partie du parking bétonné existe toujours.
Départ en mission.
Et voilà une photo intéressante du bombardement du terrain effectué par les B-25 Mitchell de la RAF le 24 Juin 1943, le hangar Estiot a dû prendre cher...
La photo est prise du nord est, on distingue en bas à gauche des taxiways béton (Rollstraße) menant à des aires de desserrement, une zone certainement importante puisque cernée par une tranchée qui devait relier des Tobrouk de défense et dans laquelle se trouve un Bunker semi enterré type R622 qui devait servir de Pc, j'y reviendrai plus tard puisqu'il est le point de départ de l'histoire, une voie decauville mène à des petits bâtiments où il devait être possible de ravitailler et d'armer les avions, à droite en bas un hangar de grande dimension pouvant abriter un bombardier type He-111 ou Ju-88, la dalle et les murs existent toujours, à droite en haut quelques installations; hangars divers, rollstraße et aire de calibrage des radio compas, tout en haut au milieu on aperçois l'endroit où se trouvaient les hangars à dirigeables Français, zone complètement nivelée, la piste en béton, les rollstraße qui y mènent et quelques abris, tout en haut à gauche des baraquements.
A noter que le terrain vu du ciel est camouflé, pas seulement les bâtiments mais aussi la piste et la zone herbée qui est "peinte" pour faire croire à des champs d'exploitation agricoles avec des faux chemins (bandes noires parallèles).
Pour terminer voilà une superposition de la photo de l'IGN de 1952, la meilleure résolution d'après guerre, sur une image satellite de 2018
On y voit encore une grande partie des installations Allemandes.
Alors vous allez me dire que c'est bien joli, mais et la ZC-250 dans tout ça ?
Hé bien c'est l'objet de ce qui va suivre maintenant que le décors est planté
Travaillant sur l'aéroport de Brest-Bretagne après ma carrière militaire Marine et depuis tout gamin très, très, très intéressé par la seconde guerre mondiale et tout particulièrement son aviation, c'est tout naturellement que je me suis penché sur l'histoire des infrastructures de mon lieu de travail où j'ai œuvré à l'assistance piste une bonne dizaine d'années pour atterrir au Département Opérations Techniques et plus précisément aux espaces verts, bandes herbées, clôtures, portails etc... suite à des soucis de santé dus à la manutention des bagages qui constitue 80% du boulot.
Avec cette nouvelle fonction j'ai maintenant la possibilité d'aller partout sur le terrain et toucher du doigt ce que je ne pouvais faire qu'à l'aide de photos aériennes jusqu'à lors.
Un peu d'histoire pour planter le décors.
Le camp Lanrus comme on l'appelait pendant la première guerre mondiale, situé au nord du bourg de Guipavas, était un Centre d'Aérostation Marine (CAM) composé de deux immenses hangars à dirigeable longs de 200m et hauts d'une vingtaine pouvant abriter jusqu'à trois dirigeables type Chalais, des logements, baraquements divers et installations techniques comme une usine de production d'hydrogène. Lors de l'entrée en guerre des États Unis en 1917 et le débarquement de dizaine de milliers d'hommes dans le port de Brest, la Marine Américaine et quelques uns de ses dirigeables s'installe à Lanrus un peu plus au nord du CAM Français.
Une partie des installations Françaises:
Les hangars Français à droite et le camp Américain à gauche:
Après la première guerre mondiale la Marine se désintéresse de Guipavas privilégiant le site de Lanvéoc-Poulmic, les hangars Français sont abandonnés les installation Américaines sont démontées et tout le terrain de Lanrus retourne à la lande.
C'est en 1927 que le premier avion se pose sur le terrain de Guipavas, toujours terrain militaire et propriété de l'état, à partir de cette date, sous l'impulsion du vice-président de la chambre de commerce de Brest qui milite activement pour doter Brest d'un aérodrome de grandes dimensions, en 1935 le terrain s'ouvre enfin au civil car jusqu'à lors il se trouvait dans une zone interdite au survol d'aéronefs civils comme c'était la règle autour des points stratégiques dont le port militaire de Brest ne faisait, et ne fait toujours pas, exception.
C'est en 1936 que l’État, tout en conservant la propriété du terrain en cède la jouissance à la chambre de commerce qui peut démarrer les travaux, un hangar de 30 mètres de portée, le hangar Estiot qui existe toujours (mais pas au même endroit) est construit ainsi qu'un pavillon, club house, avec bar, salles de bains et chambres pour aviateurs de passage.
En 1937 l'aérodrome de Guipavas est définitivement ouvert à la circulation aérienne publique.
Puis arrive la seconde guerre mondiale, l'offensive Allemande de Mai-Juin 40 et les conséquences qu'on connaît avec le début d'une longue occupation, les troupes Allemandes arrivent dans la région de Brest aux alentours du 18 Juin repoussant devant elles ce qui reste du corps expéditionnaire Anglais qui rembarque dans la précipitation à Brest pendant qu'on sabote la plus grande partie des installations portuaires et principalement le dépôt de carburant de Maison Blanche qui va brûler pendant plusieurs jours.
L'occupant s'installe, investit l'aérodrome de Guipavas qui va devenir la Flugplatz Brest _ Guipavas aka Brest-Nord et dont voici une photo prise à bord d'un Hs-126 le 14 Juillet 1940 par le Lt Wolter du 4 (H) 22 Aufklärungsgruppe:
On y voit le seul hangar à dirigeable encore debout et les installations attenantes, une tempête ayant mis par terre le second en 1928, au sud l'usine de production d'hydrogène, et à droite dans la zone délimitée le hangar Estiot et le club house.
En Juillet-Août 1940 le Stab/Kg40 prend ses quartiers et part régulièrement bombarder l'Angleterre.
Sur cette dernière photo on y voit des Festung Pionniers qui démarrent la construction des infrastructures qui seront livrées à la Luftwaffe et qui sont constituées d'une piste en béton de 600m de long par 30m de large (début mars 41, fin printemps 42) de divers taxiways, hangars et abris pour avions de tailles diverses, blockhaus de défense, soutes munitions, Poste de Commandement, infirmerie, baraquements etc... la surface du terrain est étendue à 200 hectares et pour ce faire les hameaux de Penfrat, Lanrus, Kereller et Baralan sont détruits, on ne donne parfois que 48h aux occupants pour faire leurs valises comme ça fût le cas à Lanrus... le terrain est nivelé encore une fois et surtout drainé.
Ici un reste d'installation de drainage, une fouille bétonnée de forme carrée et pourvue des mêmes échelons que l'on trouve dans toutes les issues de secours de bunkers allemands ne laisse guère de doute sur son origine:
J'ai trouvé assez peu de photos de l'époque hormis celles de bouquins et des archives de Brest, au passage je suis preneur de clichés si vous en avez en voici néanmoins quelques unes:
1942 ou 43, les Fw 190A-3 et A-4 du 8./Jg2 en plein ravitaillement devant le hangar Estiot et le club house derrière tous deux camouflés.
Le A-4 du Staffel Kapitän du 8./Jg2 Bruno Stolle photographié du haut du club house, la partie du parking bétonné existe toujours.
Départ en mission.
Et voilà une photo intéressante du bombardement du terrain effectué par les B-25 Mitchell de la RAF le 24 Juin 1943, le hangar Estiot a dû prendre cher...
La photo est prise du nord est, on distingue en bas à gauche des taxiways béton (Rollstraße) menant à des aires de desserrement, une zone certainement importante puisque cernée par une tranchée qui devait relier des Tobrouk de défense et dans laquelle se trouve un Bunker semi enterré type R622 qui devait servir de Pc, j'y reviendrai plus tard puisqu'il est le point de départ de l'histoire, une voie decauville mène à des petits bâtiments où il devait être possible de ravitailler et d'armer les avions, à droite en bas un hangar de grande dimension pouvant abriter un bombardier type He-111 ou Ju-88, la dalle et les murs existent toujours, à droite en haut quelques installations; hangars divers, rollstraße et aire de calibrage des radio compas, tout en haut au milieu on aperçois l'endroit où se trouvaient les hangars à dirigeables Français, zone complètement nivelée, la piste en béton, les rollstraße qui y mènent et quelques abris, tout en haut à gauche des baraquements.
A noter que le terrain vu du ciel est camouflé, pas seulement les bâtiments mais aussi la piste et la zone herbée qui est "peinte" pour faire croire à des champs d'exploitation agricoles avec des faux chemins (bandes noires parallèles).
Pour terminer voilà une superposition de la photo de l'IGN de 1952, la meilleure résolution d'après guerre, sur une image satellite de 2018
On y voit encore une grande partie des installations Allemandes.
Alors vous allez me dire que c'est bien joli, mais et la ZC-250 dans tout ça ?
Hé bien c'est l'objet de ce qui va suivre maintenant que le décors est planté