Article Meta-Défense, avec le titre : Will Roper veut remplacer le F35 par le NGAD dans l’US Air Force
https://www.meta-defense.fr/2021/01/15/ ... air-force/
Will Roper, le très influent responsable des programmes d’acquisition de l’US Air Force, n’a jamais caché ses réserves concernant le programme F35, qu’il juge à la fois trop complexe, trop polyvalent, menaçant les équilibres industriels américains dans ce domaine et surtout trop cher. Alors que son poste est potentiellement menacé par l’arrivée prochaine de l’administration Biden, il multiplie les annonces, aussi bien pour se présenter comme un atout apolitique dans la compétition qui oppose les Etats-Unis à la Chine, que pour mettre en avant son programme Next Generation Air Dominance, ou NGAD, et le concept de Digital Century Serie, en bien des points l’antithèse du programme F35.
Et les annonces faites ces derniers jours par Will Roper ont le mérite de poser clairement la problématique concernant le programme F35. Selon lui, il serait illusoire d’espérer voire les couts de possession de l’appareil de Lockheed-Martin baisser au delà des seuils déjà atteints. Or, à ce niveau de cout, l’US Air Force ne pourra pas acquérir l’ensemble des 1763 F35A initialement prévus pour remplacer les F16, les A10 et une partie des F15 de l’US Air Force. Car si cette dernière peut effectivement, dans le cadre actuel de l’augmentation prévue de son budget annuel, acquérir les appareils dans les 15 à 20 années à venir, elle ne pourra pas les mettre en oeuvre, tant la maintenance et les couts d’utilisation sont exorbitants.
Ce n’est pas la première fois que le directeur des acquisitions de l’US Air Force met en doute le modèle du programme F35. A plusieurs reprises, il en avait dénoncé la structure de cout, et notamment les couts induits par l’extrême polyvalence attendue autour de l’appareil. Selon lui, la conception de série plus réduite d’appareils spécialisés partageant une base technologique évolutive et faisant largement appel aux nouveaux paradigmes d’ingénierie employés dans les nouvelles technologies, permettrait non seulement d’obtenir une flotte plus performante, car composée d’aéronefs spécialisés, mais également nettement moins onéreuses, et ce même si la durée de vie technologique des aéronefs était elle-même limitée.
C’est le principe de la Digital Century Serie, qui remplace l’extrême polyvalence et l’évolutivité du F35 par des aéronefs spécialisés, peu évolutifs mais beaucoup moins chers à concevoir, à fabriquer et à mettre en oeuvre. Dans les faits, Will Roper veut revenir à un modèle comparable à celui des années 50 ou 60, ou un nouvel appareil apparaissait tous les 3 ou 4 ans, ou les flottes d’appareils de même type dépassaient rarement les 600 ou 800 appareils, et ou la durée de vie technologique d’un aéronef ne dépassait pas les 20 à 25 ans. Et selon les projections macro-économiques proposées par l’étude des services de l’US Air Force, cette approche permettrait effectivement de réduire de prés de 30% les couts de possession d’une flotte équipotentielle. Il est intéressant de noter que ce modèle est également appliqué par la Chine, qui produit un nouvel appareil spécialisé tous les 5 ans, et même par la Russie.
Toutefois, le remplacement d’une partie de la flotte de F35A de l’US Air Force par de nouveaux appareils serait lourd de conséquence, notamment pour les partenaires internationaux du programme. En effet, les couts actuels d’acquisition et de maintenance des F35, toutes versions confondues, intègrent un volume global d’appareils en partie composé par les 1763 F35A que l’US Air Force prévoit d’acquérir. Si celle-ci venait à réduire sensiblement ce volume, par exemple pour employer le F35A comme un appareil spécialisé dans les missions d’élimination des défenses anti-aériennes adverses, les couts unitaires du programme subiraient une très forte hausse, pénalisant sensiblement les autres acquéreurs de l’aéronef. En outre, l’argument d’interopérabilité avec les forces aériennes US, largement mis en avant par les Etats-Unis pour imposer son appareil, perdrait naturellement de son efficacité, avec au final, un probable effondrement du programme sous sa propre structure de couts.
Cependant, le programme F35 est aujourd’hui un outil de souveraineté extrêmement puissant pour Washington. L’ensemble des pays qui se dotent de l’aéronef voient en effet, leur dépendance à la logistique et aux systèmes d’information américains s’accroitre considérablement, offrant d’importants leviers de pression à la Maison Blanche si besoin. En outre, le programme a déjà fait l’objet d’investissements colossaux de la part du Pentagone, dépassant très largement l’enveloppe initiale prévue, et faisant dire à de nombreux observateurs qu’il serait « too big to fail », trop gros pour pouvoir échouer. Les conséquences sur l’emploi aux Etats-Unis seraient elles aussi très significatives, avec comme corollaire une très probable opposition féroce du Congrès à toute initiative menaçant le programme. C’est ainsi que l’US Navy s’est vu contrainte à acquérir 30 navires du programme Littoral Combat Ship, alors qu’elle savait depuis de nombreuses années que ces bâtiments ne correspondaient plus du tout à ses besoins opérationnels.
Will Roper parviendra-t-il à convaincre l’Administration Biden de le conserver à son poste, et si tel est le cas, pourra-t-il imposer sa vision sur le futur de la production aéronautique militaire des Etats-Unis ? Seul l’avenir pourra répondre à ces questions. En revanche, il apparait clairement, et de manière non équivoque, que les promesses faites autour du programme F35, notamment et terme de maitrise des couts de possession, ne seront jamais atteintes. Pour les nombreux pays s’étant vu proposer l’aéronef récemment, comme la Suisse, la Finlande ou la Grèce, il est donc indispensable d’étudier précisément, sur la base des couts de possession actuels, les implications budgétaires que représenterait le choix de cet appareil. Quand à ceux qui se sont engagés, comme la Belgique, il est peut-être encore temps de faire marche arrière, avant d’être happé par ce puit sans fond budgétaire…
Ouais... Ca fait des années que je m'étonne que ce qui est surligné ne se soit pas encore produit. Mais je ne vois toujours pas le moindre début de commencement de déclarations politiques ou militaires en ce domaine...
Même Israël voudrait en commander 20 de plus (certes, il a été dit beaucoup plus haut, sans qu'une source crédible soit citée, que les US ne leur vendront de nouveaux F-15 que s'ils achètent des F-35 supplémentaires, mais ça reste donc à prouver) et n'est pas pour que les EAU en achètent...
Je ne serai plus là quand les historiens raconteront l'histoire définitive de cet avion, mais je suis sûr que ce sera passionnant...