C'est visiblement un article du 21 mars, disponible quelques jours dans son intégralité.
Article Meta Défense, avec le titre : Le programme de chasseur de 6ème génération GCAP italo-britannico-nippon se spécialise dans la supériorité aérienne
Annoncé lors du salon de Farnbourouh de 2018, le programme Futur Combat Air System et le chasseur de 6ème génération Tempest britannique était alors perçu par de nombreux experts comme une réponse d’orgueil à l’annonce du lancement prochain du programme SCAF franco-allemand à l’automne 2017. Et même si des partenaires européens, comme l’italien Leonardo ou le missilier MBDA, participaient au programme britannique, de nombreuses interrogations subsistaient quant à la soutenabilité budgétaire d’un tel programme par Londres.
Pour autant, la détermination politique des britanniques ne vacilla pas, et les premiers investissements significatifs pour le développement du programme ne tardèrent pas à être annoncés, avec au passage un modèle économique piloté par PWc basé non pas sur la dépense publique, mais sur le solde budgétaire et social de l’investissement consenti. De fait, là ou SCAF peinait à dépasser les divergences franco-allemandes et voyait ses délais glisser de plus d’une année par an, le FCAS poursuivit ses travaux, au point d’attirer de nouveaux partenaires d’état. D’abord l’Italie en janvier 2021, puis une année plus tard, le Japon en fusionnant le programme Tempest européen et F-X nippon.
De fait, aujourd’hui, non seulement le programme FCAS, renommé depuis Global Combat Air Program ou GCAP, est-il sécurisé, mais il offre même des paramètres structuraux beaucoup plus robustes que ne le fait le programme SCAF, marqué par une année de bras de fer entre Dassault Aviation et Airbus Defense & Space pour le pilotage du 1er pilier du programme visant à concevoir le Next Génération Fighter, l’avion de combat au coeur du système de systèmes.
En effet, d’une part, la complémentarité des savoir-faire au sein de GCAP facilite le partage industriel au sein du programme, d’autant que la Grande-Bretagne, du fait de son expérience, demeure le pilote incontesté et notamment le concepteur de l’avion de combat Tempest. En outre, les ambitions avancées par les 3 partenaires du programme GCAP en matière d’investissement de défense, sont toutes supérieures à celles avancées par leurs miroirs du programme SCAF, avec notamment le Japon qui vise un budget des armées au delà de 100 Md$ là ou l’Allemagne ne vise que 85 Md$. Enfin, les 3 pays partagent une architecture similaire pour le devenir de leurs forces aériennes.
Perçu comme plus robuste que le programme britannique à son lancement, le SCAF est aujourd’hui bien moins sûr de ses forces relatives
Ainsi, Londres comme Tokyo et Rome sont déjà d’importants utilisateurs du F-35 Lightning II, notamment de la version B à décollage et atterrissage vertical ou court pour armer les porte-avions Queen Elizabeth et Prince of Walles britanniques, les porte-avions légers Izumo et Kaga japonais et les porte-aéronefs Cavour et Trieste italiens. En outre, il est probable que comme les forces aériennes d’autodéfense nippones et les forces aériennes italiennes, la Royal Air Force se dotera bien à l’avenir de F-35A en complément des F-35B de son aéronavale, de sorte à densifier ses capacités de frappes et de suppression des défenses adverses.
La situation est beaucoup moins claire au sein du programme SCAF, où la France veut effectivement un appareil entièrement polyvalent pour remplacer ses Rafale, alors que l’Allemagne et très probablement l’Espagne, mettront au moins en oeuvre une flotte spécialisée de F-35, le premier pour assurer la mission nucléaire de l’OTAN, le second pour armer son porte-aéronef Juan Carlos I, avec un risque bien sensible que des commandes complémentaires ne viennent, notamment pour compenser les glissements de calendrier du programme SCAF.
Toutefois, au delà de ces aspects technologiques et économiques, ces éléments induisent que les deux programmes SCAF et GCAP pourraient bien avoir une finalité très différente, le second visant de plus en plus ouvertement à devenir, à l’instar des NGAD américains, un appareil de supériorité aérienne plus qu’un appareil pleinement polyvalent.
Ainsi, à l’occasion du salon DSEI qui s’est tenu dans la banlieue londonienne la semaine dernière, plusieurs informations concernant la configuration du GCAP ont été dévoilées, notamment par le Major Général Masaki Oyama dirigeant la division du développement du programme GCAP au sein de l’Agence nippone d’acquisition, de logistique et de technologies.
Il a présenté pour la première le système d’intégration et de fusion des senseurs, désigné par l’acronyme ISANKE (Integrated Sensing and Non Kinetic Effects) ainsi que le système de communication intégré désigné par l’acronyme ICS, tous deux développés conjointement par Mitsubishi Electric, Leonardo UK, Leonardo et ELT. Le système ISANKE rassemblera en un système unifié les capacités de détection et senseurs de l’appareil ainsi que de ses vecteurs déportés (drones), mais également les moyens d’autodéfense, et notamment de brouillage et de leurrage, tout en offrant une vision synthétique avancée à l’équipage pour exploiter au mieux les moyens disponibles.
Le système ICS, quant à lui, permettra à l’appareil de communiquer avec l’ensemble des éléments du système de systèmes, notamment les autres appareils, les drones ainsi que les appareils de soutien, les forces et équipements terrestres et navals, sans oublier les capacités spatiales. La finalité de cette architecture, somme toute classique dès lors que l’on parle de 6ème génération, sera de permettre à l’appareil de s’emparer et de conserver la supériorité aérienne, désignant de fait quelle sera la mission principale de l’appareil.
Le programme NGAD de l’US Navy vise également à concevoir un appareil ayant une réelle spécialisation dans le domaine de la supériorité aérienne.
La spécialisation du GCAP dans le domaine de la supériorité aérienne n’est en rien surprenante. Déjà, les programmes NGAD de l’US Air Force comme de l’US Navy, visent eux-aussi à développer avant tout un appareil spécialisé dans cette mission, même si le programme de la Navy, de part sa désignation F/A-XX, et sa justification, à savoir le remplacement des F/A-18 Super Hornet, indique que l’appareil disposera également de capacités de frappe, même si cette mission sera prioritairement déléguées au F-35C.
En outre, à l’instar de tous les programmes de 6ème génération, GCAP s’appuiera sur des drones de type Loyal Wingman et Remote Carrier, qui permettront non seulement d’étendre les capacités de détection et d’engagement dans le domaine aérien, mais également dans le domaine air-sol ou air-surface. Ainsi, même si le GCAP comme les NGAD seront spécialisés pour la supériorité aérienne, ils seront loin d’être démunis dans les autres domaines, du fait de la polyvalence de leurs drones d’accompagnement. Enfin, pour les 3 forces aériennes, le nouvel appareil remplacera des appareils dédiés à la supériorité aérienne, le Typhoon au sein des forces aériennes britanniques et italiennes, le F-15J et le F-2 au sein des forces d’autodéfense nippones.
Reste que si la spécialisation des NGAD et GCAP fait sens de toute évidence, du fait de la complémentarité avec le F-35, celle-ci démontre également les limites désormais parfaitement perçues de l’avion de Lockheed-Martin dans ce domaine. Ainsi, si les capacités du Lighting II dans les missions de frappes, de suppression ou de pénétration sont avérées, ses performances limitées, notamment en terme de vitesse, de plafond, de rayon d’action et de manœuvrabilité, ont amené les forces aériennes les mieux dotées à concevoir des appareils spécialisés dans ce domaine, et donc complémentaires du F-35. Les nombreux clients du chasseur de Lockheed-Martin mettant en oeuvre exclusivement le Lightning II, notamment la Finlande, la Norvège ou le Canada qui doivent protéger de vastes zones aériennes, apprécieront probablement.
A l’inverse, cette spécialisation ouvre une opportunité quant au positionnement du SCAF pour en faire un nouvel appareil multirôle polyvalent, efficace dans tous les domaines, comme c’était déjà le cahier des charges du Rafale qui, au final, n’a rien eu à envier au Typhoon en matière de supériorité aérienne, tout en étant bien plus performant dans les domaines air-sol et air-surface. Espérons que Berlin et éventuellement Madrid, ne pousseront pas pour aligner la philosophie de SCAF sur celle de GCAP ou des NGAD, en se tournant eux aussi vers le F-35.