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Pour Dassault Aviation, il s’agit de garder les leviers devant lui permettre d’assurer sa fonction de maître d’oeuvre du NGF. Aussi, il revendique par conséquent d’avoir la main sur les commandes de vol, l’architecture fonctionnelle [dont dépendent les capacités opérationnelles], l’interface homme-machine et la furvité. Sauf qu’Airbus, à qui reviendra pourtant les deux tiers de la production des futurs avions de combat, ne l’entend apparemment pas de cette oreille. D’où le blocage…
« Quelque part, je pense que l’on a suffisamment fait d’efforts pour que, maintenant, on puisse y aller », s’est agacé Éric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, lors de la conférence de presse organisée le 4 mars pour présenter les résultats annuels de l’avionneur.
« J’accepte d’être leader que si j’ai les leviers pour l’être. Si c’est pour faire du co-co-co, puisqu’on est trois maintenant, je ne le ferai pas parce que ce serait mentir à nors forces armées que d’être capable de faire quelque chose en co-développement sans leader et de leur assurer une performance, un délai et un coût », a également expliqué M. Trappier, qui a évoqué des « demandes complémentaires » concernant l’accord relatif au NGF.
Et plus le temps passe, plus la perspective de la mise en service du SCAF s’éloigne. « Pour le NGF, on a dit, grosso modo : ‘premier avion en 2040’. En réalité, comme on prend beaucoup de retard, ce sera après 2040 pour un standard initial. Et le temps qu’il y ait un standard définitif et que les forces armées le prennent en compte, vous aurez des avions opérationnels en 2050 », a prévenu le Pdg de Dassault Aviation, qui a dit attendre la signature d’Airbus.
Aussi, a-t-il poursuivi, « la problématique du jour et des trente ans à venir pour nous, la France et Dassault, c’est le Rafale. Mais on est prêt à travailler sur la génération future et mes ingénieurs du bureau d’études ne demandent que ça. On est demandeur pour lancer ce démonstrateur », a poursuivi M. Trappier.
Justement, la phase 1A du SCAF devant se terminer au premier trimestre 2022 [donc, à la fin mars…], l’industriel a affecté ses ingénieurs à d’autres tâches. « On a maintenu nos équipes jusqu’à la fin de l’année 2021, en leur disant que tout ça allait se débloquer. Puis, à un moment donné, […] je ne peux pas laisser une équipe de centaines d’ingénieurs, qui sont des gens de très haut niveau, qui ne demandent qu’à exercer leur métier, à attendre le bon vouloir de Pierre, Paul ou Jacques. Donc, j’ai commencé, fin janvier, à réorienter une partie de l’équipe – et bientôt la totalité – vers d’autres » activités, a expliqué M. Trappier. « On ne peut pas laisser les ingénieurs à ne rien faire », a-t-il insisté.
Quoi qu’il en soit, pour lui, cette situation concernant le NGF n’a que trop duré. « Avec la France qui est leader sur le contrat, Dassault Aviation est prêt à signer. On a fait tout ce qu’il fallait pour pouvoir signer avec Airbus. J’attends la signature d’Airbus », a-t-il martelé. Et d’ajouter : « En 2022, il va falloir statuer, on ne peut pas rester l’arme au pied, à un moment donné on dit oui ou on dit non ».
Au regard de la situation, un échec du SCAF ne peut pas être exclue… L’an passé, M. Trappier avait confié avoir un « plan B » dans le cas où une telle éventualité viendrait à se concrétiser. Plan B qu’il n’a cependant pas évoqué durant sa conférence de presse.
Cela étant, son prédécesseur à la tête de Dassault Aviation, Charles Edestenne, avait défini, en 2012, les principes qu’il fallait réunir pour réussir une coopération, à savoir « un maître d’oeuvre unique, une organisation simple et claire, un seul interlocuteur ainsi que des apports des partenaires basés sur leurs compétences et « non sur celles qu’ils auraient pu acquérir aux frais du programme et donc du contribuable européen ».
Par ailleurs, une autre ombre au tableau concernant le SCAF est le possible achat par l’Allemagne d’avions de combat F-35A américains, afin de permettre à la Luftwaffe de maintenir sa participation au partage nucléaire de l’Otan. C’est d’ailleurs plus qu’une possibilité : c’est presque une certitude. À noter que l’Espagne, pour d’autres raisons, qui tiennent surtout à son aviation embarquée, envisage d’en faire autant.
Or, comme l’ont souligné les députés Patricia Mirallès et Jean-Louis Thiériot dans leur rapport sur la haute intensité, l’achat de F-35 « supprimerait le besoin allemand d’un nouveau chasseur à horizon 2040 ».
Sur ce point, M. Trappier s’est dit persuadé que Berlin commandera des F-35. « On va voir avec notre partenaire numéro un affiché qu’est l’Allemagne si le premier choix qu’ils font est de signer le contrat SCAF ou d’acheter du F-35 », a-t-il dit.