15 Août 1940
Front Nord
À la suite du télégramme de la veille, le General Henry M. Wilson prend la décision d’autoriser l’évacuation de la Somalie britannique depuis Berbera. Le plan initial prévoit de tenir le plus longtemps possible à Tug Argan, avant de procéder en premier lieu au départ des civils restants puis les troupes soit entre trois et quatre nuits. Néanmoins, la situation change radicalement, en fin d’après-midi, lorsqu’après un nouvel assaut les défenses à Observation Hill craquent conduisant les Rhodesiens à évacuer en catastrophe la position en échappant de peu à la capture vers 17h00. Dès lors, ordre est donné d’évacuer définitivement Black Hill, Knobbly Hill et Castle Hill puis de retraité en direction Berbera, tandis que des éléments des Black Watch et des Kings African Riffles sont chargés de retarder l’avancée italienne.
En raison des premiers mouvements de retraite, la Regia Aeronutica opère, principalement, sur les arrières de Tug Argan en pilonnant des concentrations de véhicules à Laferug et Berbera avec plusieurs Caproni Ca.133, Savoia-Marchetti SM.79 et Savoia-Marchetti SM.81.
Tentant toujours désespérément d’intervenir et manquant d’appareil, la RAF reçoit le renfort de six Bristol Blenheim du No.84 (RAF) Squadron. Ceux-ci mènent une mission au large de Berbera, durant laquelle un Savoia-Marchetti SM.81 est aperçu et abattu.
De son côté, le No.223 (RAF) Squadron entre en action, depuis Aden, lorsque sept Vickers Wellesley sont envoyés, entre 6 h 15 et 12 h 20 sur Dessie avec deux objectifs : d’une part pour effectuer un passage bas au-dessus de la ville pour impressionner la population locale et démontrer la puissance britannique face au colonisateur italien, d’autre part afin de bombarder l’aérodrome. Si l’attaque s’avère un échec en raison d’un manque de visibilité, on peut s’interroger quant à l’intérêt d’une « opération de propagande » aux résultats probablement négligeable au moment même où les forces britanniques souffrent d’une absence de moyens aériens à Tug Argan. De même, si le No.8 (RAF) Squadron retrouve une forte activité avec pas moins de sept vols, là encore la quasi-totalité est consacrée à des attaques sur les aérodromes de l’Ouest érythréen et du Nord éthiopien sans grands résultats.
Les No.11 et No.39 (RAF) Squadron, quant à eux, interviennent principalement sur la côte à l’ouest de Berbera pour soutenir la Royal Navy qui tente de bloquer l’avance italienne entre Darboruk et Bulhar avec cinq sorties durant lesquelles plusieurs chasseurs italiens sont entre aperçus.
Front Sud
Cette journée est marquée, au Kenya, par un évènement assez mineur, quoiqu’illustrant de façon criante le manque de moyen disponible, mais qui constitue une histoire régulièrement racontée s’agissant de l’engagement sud-africain.
Ainsi, la veille, un Vickers Valentia du No.50 (SAAF) Squadron se pose sur l’un des terrains avancés du Kenya pour livrer divers matériels. Lors des discussions, son pilote : le Lieutenant Charles S. Kearey et un de ses passagers, le Lieutenant Oscar B. Coetzee, apprenent l’existence d’un fort italien à Todenyang et propose en plaisantant d’aller y jeter une bombe. Entendant la conversation, un officier du S.A. Engineering Corps, le Lieutenant Joseph G. Lentzner, propose de fabriquer une bombe à cet effet.
Selon, Charles S. Kearey :
« Lentzer a, alors, récupéré un bidon d’huile de 44 gallons qu’il a bourrés de dynamite ainsi que de divers fragments en métal en y fixant un détonateur avec les dents. Puis, il a retiré la porte du Valentia pour y accrocher l’ensemble. Nous avons ajouté quelques matelas pour protéger notre appareil et décollé à l’aube. Après avoir franchi le lac Rudolph et cerclé pendant vingt minutes en attendant les premières lueurs, j’ai commencé mon approche au raz des arbres, en demandant à Lentzner d’allumer, avec une cigarette, la mèche de retardement d’une durée de soixante secondes. Au-dessus du fort, qui semble plein de soldats, je cabre mon Valentia, ordonnant de larguer le bidon. Mais, Coetzee hurle qu’ils n’arrivent pas à le décrocher. Je bascule, alors, sur le côté et heureusement, il tombe sur notre cible laissant une colonne de fumée noire. Après, nous être posés, les mécaniciens dénombrent 93 coups sur la carlingue de l’appareil, tandis que Coetzee a été blessé au pied ».
Cette « mission » n’ayant pas été autorisée, le personnel de la base s’engage à garder le silence, et le Lieutnant Oscar B. Coetzee explique, à son retour, s’être blessé en marchant sur une bouteille de bière. Cependant, quelques jours après, la radio italienne raconte la défense héroïque menée par une garnison aux frontières face à un bombardement de la RAF. En prenant connaissance de l’information, le Colonel Hector Daniel convoque Coetzee pour en savoir plus sur sa mystérieuse blessure. Après un interrogatoire, ce dernier finit par tout raconter et une commission d’enquête est immédiatement mise en place, cette dernière décidant d’envoyer le Lieutnant Oscar B. Coetzee auprès du No.2 (SAAF) Squadron, tandis que le Lieutnant Charles S. Kearey est muté au No.12 (SAAF) Squadron après avoir démontré son attrait pour le bombardement. Néanmoins, dans le même temps, les différents escadrons reçoivent une instruction déconseillant fortement à tout personnel de prendre la moindre initiative personnelle consistant à employer des appareils en dehors de leurs utilisations normales, sous peine de sanctions immédiates.
Vickers Valentia du No.50 (SAAF) Squadron piloté par le Lieutnant Charles S. Kearey. Rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit de l’appareil utilisé durant le « raid » du 15 août 1940. Collection : Derek Kershaw via Tinus le Roux.