ICAO : Code K
Publié : dim. mars 01, 2015 3:50 am
Phase 7 : Time building.
Probablement les moments le plus enrichissants de ma formation. Sans aucun doute ceux que je pourrai appeler la fabrique à souvenirs. Ce dernier mois, j'ai eu l'occasion de voler dans presque toutes les directions. Vers le nord, à Maniwaki, Mont Laurier et Mont Tremblant, les routes disparaissent sous la voûte des forêts de pins, les aides à la navigation radio sont plus rares, et la manière la plus simple de s'assurer qu'on vole vers sa destination est de suivre les lignes à haute tension qui forment de large lignes blanches.
Vers l'est, l'atmosphère est toute autre. Le Saint Laurent et l'Ottawa se rejoignent autour de l'île de Montréal, les villes et villages pullulent le long des cours d'eau et les routes affluent en tous sens vers la deuxième plus grande ville du Canada. Le contrôle est plus présent également. Au départ d'Ottawa, je passe successivement de la tour de contrôle au terminal, qui à son tour me transfère au centre de Montréal. Ensuite, tout dépend de mon altitude et des endroits où je souhaite atterrir. Puis en remontant vers le nord, le Saint Laurent fait son lit, plus confortable, plus large, et Montréal laisse place à la neige, interrompue de temps à autres par quelques villes comme Sorel ou Trois Rivière, et plus loin Québec.
Vers l'ouest, l'impression est plus étrange. Rien ne semble naturellement conduire à penser que des hommes ont voulu suivre cette direction. La périphérie d'Ottawa s'arrête assez brutalement. Le fleuve conduit naturellement à de nouvelles zones urbaines, mais elles sont de plus en plus rare. Tandis que vers Toronto, il n'y a rien. des étendues de lacs et de forêt. Quelques maisons dont les occupants semblent avoir voulu chercher la solitude, des fermes éparses, de la roche et de la verdure. Ce n'est en général qu'après une heure de vol et en se rapprochant du lac Ontario que l'homme réapparait.
Et naturellement, il me restait une direction à explorer : le sud. Direction de ce pays que les autochtones appellent'MMMURICAAAAA (fuck yeah), que les médias et les préjugés dépeignent facilement comme terre peuplée d'êtres mi-hommes mi-pachydermes, au QI abyssal, au sourire figé et à la gâchette facile.
Le décollage d'Ottawa se fait vers 18h15 UTC (13h15 local), direction le VOR de Massena pour passer la frontière. Décollage sur la 22 et virage gauche jusqu'à Russel, limité pour le moment à 1500ft en raison du trafic à proximité de l'aéroport. Nous croisons au passage un AW139 de transport sanitaire. Le centre de Montréal nous transfère vers Boston et l'identification est vite faite. Changement de code transpondeur, et nous contactons l'approche de Burlington pour une longue finale directe simulation ILS sur la 19. Au sol, nous passons devant les hangars de la garde nationale du Vermont. Quelques F-16 font la sieste en compagnie de ce qui ressemble à des predator. Les F-16 ne resteront pas là très longtemps étant donné que le 158th FW sera la première unité de l'ANG à recevoir des F-35 A. Ouais bah au moins mon cessna il est rouge, il vole, il coûte moins cher et il fait la même chose que le F-35 : day VFR.
Nous roulons vers les douanes, et on se fait damer le pion par un Dash8 de la compagnie porter. Punaise, il va falloir qu'on patiente dans l'avion qu'ils aient fini avec la trentaine de passager. Heureusement il fait soleil. Le Bombardier repart et quelques minutes plus tard, l'officier des US customs sort, son compteur geiger à la main. Petit tour autour de l'avion histoire de vérifier que je n'ai pas apporté de fromage radioactif et me voici sur le tarmac, à profiter de la vue sur les montagnes. Les premières vraies montagnes que je vois depuis que j'ai posé le pied sur le continent nord américain, voici presque un an.
Nous redécollons quelques minutes plus tard vers l'ouest en direction de Lake Placid, petite ville de montagne aux airs savoyards. Nous approchons en suivant la radiale 285, 4500ft jusqu'à Wilmington, virage sud en suivant la vallée. Piste en visuel quelques instants plus tard. A ce moment je me demande ce que sont ces deux tours nord, qui donnent à cette colline un air d'exploitation minière. Arrivé à la verticale de la piste et en approche pour un passage bas rapide, enfin, "rapide", je distingue clairement les tremplins de saut à ski. Me vient alors cette pensée obélisienne : "ils sont fous ces sauteurs à skis."
Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai encore plusieurs heures de vol devant moi, et mon instructeur fait mumuse avec sa tablette. Interception de la radiale vers Saranac Lake, puis direction Syracuse. Des nuages apparaissent au loin et nous descendons de 6500 vers 4500ft, puis 3500, 3000... la neige fait son apparition avec de bonnes turbulences sur ce qui va devenir un tronçon de quasi vol aux instruments pendant une dizaine de minutes, jusqu'à ce que Syracuse apparaisse et nous accueille avec son runway tout éclairé.
Nous laissons l'avion aux soins de l'opérateur sur la rampe, et nous prenons une voiture jusqu'au centre ville, direction le Dinosaur BBQ. Ca faisait quelques heures que j'entends parler par mon instructeur et mon estomac se décide à remplacer le cerveau pour ce qui est de la prise de décision. Une fois installés avec une assiette de 'ribs", j'ai du mal à retenir mes yeux dans leurs orbites, mon ventre enregistre une nouvelle valeur absolue sur l'échelle de richter et je bave plus que les chutes du Niagara. (en hiver c'est pas difficile). Mon instructeur et moi sommes pleins comme des putes un soir de perm' au bout de 30 minutes, mais l'expérience ne serait pas complète sans un dessert plus calorifique qu'un menu big mac à lui tout seul. Mon seul regret est de ne pas avoir pu toucher à une goûte d'alcool en raison des trois heures de vol de nuit qui nous attendent.
De retour sur l'aéroport, nous appelons la douane pour leur signaler notre retour. Décollage, cap à l'ouest pour une approche simulée sur Rochester, sur la rive sur du lac Ontario. L'autoroute est pile dans l'axe de piste, si bien qu'à cet endroit, le runway semble être la partie la moins éclairée de la ville. Cap nord est vers le VOR de Watertown. Nous laissons derrière nous les villes et leurs lumières pour nous enfoncer dans un paysage inconnu. La lune est cachée par l'aile haute du Cessna et sur ma gauche, le lac Ontario offre un spectacle de désolation d'une blancheur macabre. Rien ne bouge, rien ne vit, pas un seul reflet de lune ne vient perturber cette étendue figée. Quelques nappes nuageuses au lointain donnent l'illusion d'un horizon, et en l'absence de tout point où fixer mon attention, je plonge mon regard dans la lumière rouge du cockpit, suivant l'aiguille de mon OBS.
En approche sur Ottawa une heure et demie plus tard, le contrôle nous fait passer devant un liner et nous demande de garder le badin au maximum. Avec 10 000ft de piste disponible pour une distance d'arrêt estimée à moins de 1500, ce n'est pas trop problématique. Direction le bureau des douanes où nous arrêtons le Cessna devant un hangar où dorment deux alphajet, et nous suivons le taxi de retour vers l'école. Il est 1h30 du matin, et je n'ai pas encore fini ma journée.
Probablement les moments le plus enrichissants de ma formation. Sans aucun doute ceux que je pourrai appeler la fabrique à souvenirs. Ce dernier mois, j'ai eu l'occasion de voler dans presque toutes les directions. Vers le nord, à Maniwaki, Mont Laurier et Mont Tremblant, les routes disparaissent sous la voûte des forêts de pins, les aides à la navigation radio sont plus rares, et la manière la plus simple de s'assurer qu'on vole vers sa destination est de suivre les lignes à haute tension qui forment de large lignes blanches.
Vers l'est, l'atmosphère est toute autre. Le Saint Laurent et l'Ottawa se rejoignent autour de l'île de Montréal, les villes et villages pullulent le long des cours d'eau et les routes affluent en tous sens vers la deuxième plus grande ville du Canada. Le contrôle est plus présent également. Au départ d'Ottawa, je passe successivement de la tour de contrôle au terminal, qui à son tour me transfère au centre de Montréal. Ensuite, tout dépend de mon altitude et des endroits où je souhaite atterrir. Puis en remontant vers le nord, le Saint Laurent fait son lit, plus confortable, plus large, et Montréal laisse place à la neige, interrompue de temps à autres par quelques villes comme Sorel ou Trois Rivière, et plus loin Québec.
Vers l'ouest, l'impression est plus étrange. Rien ne semble naturellement conduire à penser que des hommes ont voulu suivre cette direction. La périphérie d'Ottawa s'arrête assez brutalement. Le fleuve conduit naturellement à de nouvelles zones urbaines, mais elles sont de plus en plus rare. Tandis que vers Toronto, il n'y a rien. des étendues de lacs et de forêt. Quelques maisons dont les occupants semblent avoir voulu chercher la solitude, des fermes éparses, de la roche et de la verdure. Ce n'est en général qu'après une heure de vol et en se rapprochant du lac Ontario que l'homme réapparait.
Et naturellement, il me restait une direction à explorer : le sud. Direction de ce pays que les autochtones appellent'MMMURICAAAAA (fuck yeah), que les médias et les préjugés dépeignent facilement comme terre peuplée d'êtres mi-hommes mi-pachydermes, au QI abyssal, au sourire figé et à la gâchette facile.
Le décollage d'Ottawa se fait vers 18h15 UTC (13h15 local), direction le VOR de Massena pour passer la frontière. Décollage sur la 22 et virage gauche jusqu'à Russel, limité pour le moment à 1500ft en raison du trafic à proximité de l'aéroport. Nous croisons au passage un AW139 de transport sanitaire. Le centre de Montréal nous transfère vers Boston et l'identification est vite faite. Changement de code transpondeur, et nous contactons l'approche de Burlington pour une longue finale directe simulation ILS sur la 19. Au sol, nous passons devant les hangars de la garde nationale du Vermont. Quelques F-16 font la sieste en compagnie de ce qui ressemble à des predator. Les F-16 ne resteront pas là très longtemps étant donné que le 158th FW sera la première unité de l'ANG à recevoir des F-35 A. Ouais bah au moins mon cessna il est rouge, il vole, il coûte moins cher et il fait la même chose que le F-35 : day VFR.
Nous roulons vers les douanes, et on se fait damer le pion par un Dash8 de la compagnie porter. Punaise, il va falloir qu'on patiente dans l'avion qu'ils aient fini avec la trentaine de passager. Heureusement il fait soleil. Le Bombardier repart et quelques minutes plus tard, l'officier des US customs sort, son compteur geiger à la main. Petit tour autour de l'avion histoire de vérifier que je n'ai pas apporté de fromage radioactif et me voici sur le tarmac, à profiter de la vue sur les montagnes. Les premières vraies montagnes que je vois depuis que j'ai posé le pied sur le continent nord américain, voici presque un an.
Nous redécollons quelques minutes plus tard vers l'ouest en direction de Lake Placid, petite ville de montagne aux airs savoyards. Nous approchons en suivant la radiale 285, 4500ft jusqu'à Wilmington, virage sud en suivant la vallée. Piste en visuel quelques instants plus tard. A ce moment je me demande ce que sont ces deux tours nord, qui donnent à cette colline un air d'exploitation minière. Arrivé à la verticale de la piste et en approche pour un passage bas rapide, enfin, "rapide", je distingue clairement les tremplins de saut à ski. Me vient alors cette pensée obélisienne : "ils sont fous ces sauteurs à skis."
Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai encore plusieurs heures de vol devant moi, et mon instructeur fait mumuse avec sa tablette. Interception de la radiale vers Saranac Lake, puis direction Syracuse. Des nuages apparaissent au loin et nous descendons de 6500 vers 4500ft, puis 3500, 3000... la neige fait son apparition avec de bonnes turbulences sur ce qui va devenir un tronçon de quasi vol aux instruments pendant une dizaine de minutes, jusqu'à ce que Syracuse apparaisse et nous accueille avec son runway tout éclairé.
Nous laissons l'avion aux soins de l'opérateur sur la rampe, et nous prenons une voiture jusqu'au centre ville, direction le Dinosaur BBQ. Ca faisait quelques heures que j'entends parler par mon instructeur et mon estomac se décide à remplacer le cerveau pour ce qui est de la prise de décision. Une fois installés avec une assiette de 'ribs", j'ai du mal à retenir mes yeux dans leurs orbites, mon ventre enregistre une nouvelle valeur absolue sur l'échelle de richter et je bave plus que les chutes du Niagara. (en hiver c'est pas difficile). Mon instructeur et moi sommes pleins comme des putes un soir de perm' au bout de 30 minutes, mais l'expérience ne serait pas complète sans un dessert plus calorifique qu'un menu big mac à lui tout seul. Mon seul regret est de ne pas avoir pu toucher à une goûte d'alcool en raison des trois heures de vol de nuit qui nous attendent.
De retour sur l'aéroport, nous appelons la douane pour leur signaler notre retour. Décollage, cap à l'ouest pour une approche simulée sur Rochester, sur la rive sur du lac Ontario. L'autoroute est pile dans l'axe de piste, si bien qu'à cet endroit, le runway semble être la partie la moins éclairée de la ville. Cap nord est vers le VOR de Watertown. Nous laissons derrière nous les villes et leurs lumières pour nous enfoncer dans un paysage inconnu. La lune est cachée par l'aile haute du Cessna et sur ma gauche, le lac Ontario offre un spectacle de désolation d'une blancheur macabre. Rien ne bouge, rien ne vit, pas un seul reflet de lune ne vient perturber cette étendue figée. Quelques nappes nuageuses au lointain donnent l'illusion d'un horizon, et en l'absence de tout point où fixer mon attention, je plonge mon regard dans la lumière rouge du cockpit, suivant l'aiguille de mon OBS.
En approche sur Ottawa une heure et demie plus tard, le contrôle nous fait passer devant un liner et nous demande de garder le badin au maximum. Avec 10 000ft de piste disponible pour une distance d'arrêt estimée à moins de 1500, ce n'est pas trop problématique. Direction le bureau des douanes où nous arrêtons le Cessna devant un hangar où dorment deux alphajet, et nous suivons le taxi de retour vers l'école. Il est 1h30 du matin, et je n'ai pas encore fini ma journée.
Je l'ai dévoré !
