On change un peu de registre, avec un retour sur quelque chose qui n'est pas vraiment une mission de campagne : la soirée "Le Grand Dog PA 2011" (oui, ils aiment bien les titres ronflants) qui a eu lieu en ce début d'année. Le concept est simple : 32 pilotes, par équipes de deux tirées au sort. Chaque match est en deux manches gagnantes, on démarre alignés sur la piste avec un point de rdv obligatoire (plafond 2000 m, je crois). Tous les match sont avec le même avion, un Spit MkI pour cette soirée. Le camp "bleu" a des marquages bulgares, le camp "rouge" des marquages polonais. Elimination directe, début 21h30, fin indéterminée...
Juste une précision sur la "relance PA" : les PA avaient il y a encore un ou deux ans une tradition bien ancrée de relances multiples, emmenant le décollage "réel" assez tard dans la soirée. Chaque relance était accompagnée d'un défoulement bien compréhensible de l'ailier sur son leader, ou sur tout avion allié se trouvant devant lui. Cette tradition est en cours d'extinction, des améliorations dans l'organisation permettant de limiter les relances au maximum.
C'est au départ plus destiné aux gens ayant participé, mais je me suis dit que, finalement... (mes excuses à Barda).
Bonne lecture !
On a arrêté depuis longtemps de compter les citations et études sur la bêtise humaine (enfin, moi en tout cas). Et pourtant, on arrive toujours à se surpasser et à repousser ses propres limites. Comme moi jeudi dernier : alors que je venais de m'avachir généreusement sur le meilleur, et unique, canapé de l'appartement pour piquer un petit somme, une idée commença, insidieuse, à titiller le peu de neurones de garde pas encore en pré-retraite dans mon cerveau embrumé. "péa, péa"... Elle s'élevait, s'épaississait, tournait, disparaissait, virevoltait, lâchait un pet, puis un a, et réapparaissait aussi vite, tournoyant de plus belle, piquant, redressant, et focalisa bientôt l'essentiel de mon attention. Et ça répétait de plus belle : "péa, péa, péadaugue, daugpéa...". Un sursaut de volonté me permit cependant de renvoyer l'importune dans le fin fond de mon subconscient d'une rafale de MG 151/20, pour piquer un roupillon bien mérité. Na.
Le soir même, j'allumai religieusement comme chaque semaine mon petit radiateur de voyage, qui sert aussi d'ordinateur à ses heures perdues, pour passer une soirée à faire voler un tas de pixels disposés savamment en escalier sur mon écran et en occupant approximativement les deux tiers, dans le but d'éliminer d'autres tas de pixels de formes différentes affichés sur le tiers restant, sur fond vert pomme (un peu comme la couleur du paysage anglais sous le soleil, c'est à dire une fois tous les dix ans - oui c'est du vécu monsieur) et bleu turquoise. Comme je suppose que vous êtes atteints de la même affection que moi, je vous passe les détails sur le chapeau à visière, le trépied à boules réfléchissantes et les paroles incohérentes - certains y ajoutent des bois de cerf et un cageot en contreplaqué, mais il y a une limite à tout, quand même. Bref, j'allais prendre ma dose bi-hebdomadaire de dope, qui plus est relevée par un flux continu de verbiage réconfortant dont seule la charité chrétienne me retient de nommer la source.
Allez, et là je vous apprend peut-être quelque chose, mais la source en question est littéralement ce qui fait vivre la fréquence radio (et le squad, souligneront certains admirateurs), chez les C6. Les mauvaises langues diront qu'il - oui, c'est un monsieur - a d'abord étouffé tout ce qui se prétendait capable d'animer une conversation, mais nous ne sommes pas de mauvaises langues, chez les C6. D'ailleurs, comme vous l'avez bien compris, le pluriel à "langues" est exagéré, vu que la plupart n'ont pas beaucoup l'occasion de sortir des poches. Seulement, tenir le bout de gras à chaque fois, ça épuise, et il faut bien se rabattre, parfois, faute de mieux, sur des sujets éculés ; les PA en sont un par excellence. Ils sont gentils les PA, mais trop actifs, ça épuise : pensez, tout le temps une, voire deux campagnes Il2 SEOW en train, plus un p'tit Arma hebdomadaire (moi, j'aime pas Arma), plus une journée officielle d'entraînement à la relance, spécialité maison... Sans compter leur fameux Dog PA, dont le Barda, puisque chacun l'aura reconnu, est devenu comme qui dirait l'une des attractions. Si les mouches sont attirées par la lumière, les simmeurs le sont par le verbe, apparemment. Bref, il se passe toujours quelque chose chez les PA, et c'est le marronnier idéal. Et même sans ça, comme c'est devenu une insulte assez courante (exemple didactique : "vas-y, fais pas ton PA toi !"), on peut difficilement échapper à ces deux lettres.
Me voilà donc en train de lancer la procédure habituelle : lancer le driver du TrackIR, lancer TS, débrancher le disque dur externe pour brancher le TrackIR, débrancher la souris pour brancher le palo (1), fermer les portes à double tour, éteindre le portable, le réveil, faire sortir les gro... rouvrir la porte, faire sortir les groupies, fermer la porte à double tour, sortir la liste de duels du jour, lancer HL... La soirée est un go ! On peut se caler sur le canal du squad. A peine arrivé, paf !
- T'es inscrit au dogpéa ?
- Euh... non. Bonjour à toi aussi.
- Mais t'es nul !
- Ben non !
- Donc t'es inscrit au dogpéa ?
- Euh...
Bref, passons. Enfin, passons, non, pas tout de suite, parce que c'est là que se situe la, ou plutôt "THE" boulette : ayant le choix entre me faire accuser de nul par tout le monde, et donc être obligé d'allonger au-delà du raisonnable ma liste de duels en attente ; ou m'inscrire au Dog PA pour la première fois... J'ai choisi le moindre mal. Enfin, c'était l'idée de base en tout cas. Snif.
Mais qu'est-ce que c'est que donc est-ce que ce Dog PA ?
Une sorte de jeu du cirque moderne, où les gladiateurs survivants (et transpirants, et torse nu, c'est essentiel) passeraient en un éclair du rôle de combattant à mort à celui de téléspectateur goguenard ou enthousiaste (voire endormi), qui encourage son équipe d'autant plus en vain qu'elle ne peut l'entendre ; et ne quitte des yeux la bouillie de pixel déjà décrite que pour aller ravitailler en bière ou chips. Du bonheur en barres. Enfin, ça, je savais. Là où j'ai été surpris, c'est quand on a parlé d'équipes tirées au sort. Bon, encore, moi, ça va : tout seul ça passera tranquille, donc même avec un branque en ailier pas de raison que ça casse. Encore heureux d'ailleurs, puisqu'à mon niveau, pour se retrouver avec un type assez doué pour suivre, faut se lever de bonne heure. Pas mon truc.
Mais le type normal ? Hein ? Z'en faites quoi du type normal ? Tiens, prenez Hellcat, par exemple. Pas mauvais, ce gars, mais sans un PetiO pour le couvrir (et encore, rien ne remplace un Krasno), il fait rien de bon. Mais il y a pire. Si, monsieur. Prenez un bavard, prenez Pat, par exemple. Les gens comme ça, ça a besoin de s'épancher un peu, et d'ailleurs il n'arrête pas de nous les concasser menu avec son cockpit-de-P-47-que-même-le-vrai-il-est-moins-bien. Sans compter qu'il aime non seulement ce veau de P-47, mais aussi le Spit. Des comme ça, on en fait plus : ça causait trop de problèmes, fallait les achever. Mais je m'égare. Ce type là, vous le collez avec Barda, et le premier mot qu'il hasarde, c'est le dernier qu'il pourra caser de l'heure. Il va pas pouvoir en placer une ! Et il le sait d'avance, le pauvre. Bloqué entre une politesse inaltérable (oups, un compliment) et une certitude horrible sur la suite de la soirée, il risque de faire cocotte-minute et de nous péter à la figure au moindre problème.
Bon, et là je parle même pas des autres squads, hein. Z'imaginez faire équipe avec un PA ? Vous partez, tranquillou, décollage impeccable, montée aile dans aile, tout va pour le mieux dans un monde idéal rempli de Warthogs fonctionnels, de configs gratuites et d'Olegs ponctuels... Bon, le type est un poil à la traîne, mais suffit de ralentir un poil... Et là, paf, un abruti décérébré du canal spectateurs se plante dans ses touches et passe en Whisper : "Ah ouais ? T'es sûr ? OK ben je relance de 10 sur le p'tit nerveux, là". Tout se passe très vite.
Une pensée : "Le con !".
Réagir. Manche au tableau, palo dans le coin.
Un bruit de tôles percées. Un écran noir.
Seul message restant à l'écran, écrit en majuscule sur un post-it collé à la va vite :
MOT RELANCE
TABOU.
"Ah merde ! Désolé, bête réflexe".
- Et les PB0 ?
- Quoi, les PB0 ?
- En équipiers ? Sont pas si mauvais (enfin, certains, parce que le gros des troupes...) que ça, si ?
- Mauvais, c'est pas la question, mais c'est quand même les types contre lesquels on se bat en permanence en CF. Jamais avec nous, pas une seule fois du même côté depuis la CF3, je te dis ! Et pourtant, c'est pas faute d'essayer de changer de camp pour voler un peu avec eux... Moi je dis, des types qui nous évitent comme ça, ils sont pas clairs quelque part.
- Ouaip, enfin la CF3 ça date. La 5 aussi, d'ailleurs, en y pensant : je crois me souvenir que mon grand père m'en parlait encore de son vivant. Ou alors je confonds avec la vraie bataille, peut-être ? Sais plus trop.
- Ah ça va hein !
Une semaine plus tard, le grand jour arrive. Comme les sadiques ont décidé de garder l'avion qui sera utilisé secret (mais sans canons qu'ils précisent), je passe la soirée à me ridiculiser en m'entraînant à buter du CR.42 à l'aide des deux pauvres paires de pétoires mouillées installées de chaque côté du fuselage de mon PZL-11c (tant qu'à faire, hein...) Je vous dis pas l'humeur que ça donne, de se trimballer à 250 km/h dans un zinc qui aurait tout juste été dans le haut du panier en 14, pour essayer en vain d'amener deux trois pélos sur une pauvre IA qui n'en mène pas plus large que vous : ses pétoires à elle, elles ont la cadence de tir d'un canon de 75. Je peux pas supporter ces vieilles bouses. Encore heureux qu'on y échappe en CF !
Et me voilà sur le TS PA, d'humeur à taper quelqu'un. Personne ? Ah si, ya du monde en dessous... C'est pas de gaîté de cœur, mais ça serait bête d'être venu jusqu'ici pour se barrer, nan ? Changement de canal, un bonsoir à la cantonade :
- "Krasno fréquence, bonsoir !"
- "salut Fréquence !"
OK, c'est bien la bonne adresse.
Je suis à l'heure mais le tirage au sort a déjà été lancé, et le tableau des rencontres est affiché. Concert d'exclamations :
- "Oh p... non pas lui !"
- "On est morts"
- "Ah, c'est toi qui est avec moi ? Condoléances"
- "fffffffffffff.... ffffffffffffff... fffffffffffff..."
- "Niark niark niark"
- "C'est qui lui ?"
- "M'enfin ? J'suis pas dans la liste ?"
Les combats commencent et se succèdent, et l'on passe, de combat en combat, de manœuvre en manœuvre, du grandiose au vulgaire, et du vulgaire à l'émouvant. Grandioses, les folies virevoltantes de ces deux bretteurs qui, dans le vacarme assourdissant de leur Merlin, se fendent, parent, attaquent et contre-attaquent, enfilant les barriques, les esquives, donnant à leurs manœuvres calculées au km/h...
- Hé, ho, t'es payé à la ligne ou quoi ?
...donnant à leurs manœuvres calculées au km/h, disais-je, l'apparence d'un ballet extravagant. Vulgaire, le coup de boule, résultat prévisible d'une succession de frontales sans queues ni têtes. Emouvant, ce pilote de Spitfire au revêtement taillé en dentelle par une grêle de projectiles, le moteur vomissant ses bielles, qui, impuissant à se soustraire aux efforts combinés de ses deux bourreaux depuis la chute de son équipier, se contente de repousser l'échéance, balottant frénétiquement son cercueil de haut en bas, puis de droite à gauche, évitant une balle seulement pour se jeter devant la suivante, mais volant toujours, espérant une panne, un crash, et grignotant une seconde, puis une autre, et encore une autre...
Mais c'est pas tout, ça : va bien falloir casser de la bleusaille à un moment ou à un autre. Mon premier combat, Mega/Krasno contre Tompcat/Menfin, passe sans trop suer, plus par chance et opportunité que par talent d'ailleurs, avec notamment un long morceau de bravoure de Tompcat qui n'admet pas facilement qu'à deux contre un, c'est ce dernier qui doit tomber en premier. Mon second combat passe assez vite aussi d'ailleurs, puisque nous choisissons d'un commun accord avec Mega de laisser passer Roll et Adrienzip qui, venant de la droite sur le tableau, avaient la priorité. Bon, faut dire qu'ils avaient remplacé leurs traceuses par des chercheuses, et ont fait le boulot proprement : pas une balle dans l'avion, tout dans la tête. Ca aurait bien permis de récupérer les avions, s'ils ne s'étaient pas bêtement écrabouillés 2000 m plus bas. Pas de fausse modestie ici, on n'a pas perdu : c'est juste qu'on les sentait motivés, partants pour voler jusqu'à pas d'heure et peut-être avec une chance d'aller jusqu'à la fin ; j'avais une lessive à faire, Mega un oreiller à aplatir ; on s'est arrangés pour une somme raisonnable et tout le monde est sorti gagnant. J'attends toujours le chèque mais je suis confiant.
La seule équipe brillante ayant donc par nécessité laissé la place à une paire de vulgaires techniciens, la suite fut affreusement banale. Sentant qu'on était partis pour la nuit, je m'esquivai et ce n'est qu'au niveau des 1/2 finales, et à presque minuit, que je réendossai ma charge d'excité congénital. JiPi Larqué avait tout de même pris les précautions nécessaires et accumulé assez de ragots sur chacun des participants pour passer le reste de ses petits matins dans les champs humides de rosée (s'il nous lit, je lui conseille de bien choisir son témoin : ya des chances qu'il le voie plus que sa femme) ; ça balançait sévère, surtout qu'il fallait bien compenser l'absence remarquée de Barda, occupé à rendre sourd Baballe sur la fréquence voisine. Quelques retournements de situation, dûs notamment à la paire BaBa qui mettait un point d'honneur à toujours se battre à un contre deux, permirent à Thierry Roll, tout en remplissant son chèque, de faire quelques bons mots. Les rouges polaks et les bleus bulgares en firent les frais, et les yoghurt et autres plombiers furent convoqués, avec leurs champs lexicaux associés :
- Oui mon Thierry, je dirais que ce pilotage est vraiment onctueux !
Cependant, la nuit avançait, et les matchs s'éternisaient. Le fair play, la fatigue, les manœuvres habiles, le stress, l'armement limité et la solidité des appareils s'alliaient pour faire durer le suspense. Le scénario, lui aussi, s'améliorait à chaque fois avec retournements de situation, moteurs traîtres, munitions épuisées, erreurs bêtes... Une heure sonna avant qu'enfin la finale soit annoncée : Saint_Ex et SmilingCow contre Roll et Adrienzip. Cette finale fut une sorte de résumé en accéléré, un succédané de Dog PA en quelques minutes. D'ailleurs si j'aurais su, j'aurais pas v'nu dès l'début : suffisait de se pointer à une heure du mat' pour en prendre plein les mirettes. Il y eut de tout : du coup-de-boule contre forêt invisible avant même le premier engagement, de l'assassinat à bout portant, des tirs préparés pendant quelques secondes mais complètement ratés, des approches furtives... Le tout couronné par un duel fratricide PB0/PB0 de plusieurs minutes en guise de bouquet final. Chacun se félicita, et alla dare-dare rejoindre le lit familial avant que le jour ne se lève.
Je fermai les yeux, pour les rouvrir une minute plus tard :
- "Putain 8 heures ! "
(1) De voyage, le radiateur, rappelez-vous... Ca manque de ports USB ces p'tites bêtes là.